La folie Nabokov & la langue française

Il en est désormais chez Gallimard comme en politique : l’art du grand écart, intronisé par Emmanuel Macron dans les termes du en même temps. Ainsi nous avons le pire du pire avec des livres imprimés en écriture inclusive arborant l’infâme point médian… et nous avons le meilleur du meilleur avec la Pléiade ; va comprendre Charles. De l’art de se coucher devant des minorités d’hystériques venus d’Outre-Atlantique nous déverser leur cancel culture qui ne fait plus rire du tout à tel point qu’un député de la majorité va porter une loi pour interdire ce massacre. Oui, massacre, et d’autant plus compréhensible à la lecture de ces merveilleux romans écrits en anglais par un russe qui parlait aussi français – et révisait toutes ses traduction avant publication.
La langue ! L’univers tout entier dans une musique, un lien social, une culture, une histoire, un peuple réunit à travers les frontières sous la bannière de la francité… Évidemment on est loin des gabegies de Foucault, Deleuze et Cie qui ne pensaient qu’à déconstruire pour faire les intéressants. 

Ce volume couvre la période qui s’étend de 1957 à la mort de l’auteur en 1977. Il comprend les derniers romans publiés pas Nabokov ainsi que le texte inachevé du roman sur lequel il travaillait pendant les dernières années de sa vie, L’Original de Laura, texte que son fils, Dimitri Nabokov, choisit de publier en 2009, avec la reproduction en fac-similé des fiches manuscrites de son père. L’une d’entre elles est ici reproduite dans la présente édition…  

Nabokov, c’est Lolita dans l’inconscient collectif, et c’est d’ailleurs ce succès – notamment financier – qui lui permit de s’installer définitivement en Suisse, de jouer au sybarite au sein du Montreux Palace Hôtel et de courir après les papillons ; tout en conservant sa discipline d’écriture. Les romans publiés dans ce troisième tome ont été écrits à la suite de cette étape capitale dans la carrière de l’écrivain russe. Salué dans le monde entier, aussi bien par la critique que les magazines grand public, Lolita emporta tout sur son passage. Au point que l’on oublie de porter notre regard sur d’autres livres ; or, le génie créatif, l’humour décalé de Vladimir Nabokov ne s’est jamais aussi bien développé depuis ce succès des années 1955-58 ; dont le volumineux Ada ou l’Ardeur est la colonne vertébrale de ce tome-ci.
Et c’est d'ailleurs ce livre qui va réveiller la critique et le public français, en 1975, endormis en plein milieu du structuralisme et de la Nouvelle Critique et comme trop souvent seulement occupés à se regarder le nombril… Même Roland Barthes ignorait superbement Nabokov. Or, comme le soulignait Jean Blot dans la NRF de mars 1976, la tonalité française de cette œuvre était remarquable : Ce roman constitue sans doute le chef-d’œuvre de l’étrange écrivain trilingue, poète, critique et romancier, russe, anglo-américain et plus français qu’il ne semble.  

Loin d’être grisé par le succès, Nabokov ne cessa jamais d’écrire et, en sus des cinq romans ici rassemblés, il publia aussi des nouvelles, de la poésie et des pièces de théâtre voire sa monumentale traduction annotée d’Eugène Onéguine de Pouchkine ou encore ses propres ouvrages traduits en russe (Lolita et Autres rivages) au point que l’on peut se demander quand est-ce qu’il dormait. 
Il était trop gourmand pour perdre son temps dans les limbes, et trop joueur pour ne pas s’autoriser, enfin, grâce à l’argent de Lolita, de ne plus se brider, de laisser parler sa créativité en oubliant les exigences, les censures et autres contraintes que faisaient planer les éditeurs ou les critiques.

Nabokov n’est pas seulement un génial illusionniste mais un authentique poète en prose qui, par la magie de ses images et de ses récits emboîtés, crée des univers imaginaires d’une étonnante originalité. Lire Nabokov c’est se livrer à une véritable thérapie de l’esprit et apprendre à dépasser la patine des choses. En somme, l’écrivain providentiel en cette société négationniste et chaotique. 

 

François Xavier 

 

Vladimir Nabokov, Œuvres romanesque complètes, III, édition publiée sous la direction de Maurice Couturier, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, n°648, volume relié pleine peau sous coffret illustré, février 2021, 1648 p.-, 72 € jusqu’au 31 août 2021 puis 78 € 

Ce volume contient : Introduction, chronologie, avertissement, Pnine ; Fau pâle ; Ada ou l’Ardeur ; La Transparence des choses ; Regarde, regarde les arlequins !; L’Original de Laure ; notices et notes. 

Aucun commentaire pour ce contenu.