Ivanhoé… aux temps béni de la chevalerie

En provenance direct de la Pléiade. Si vous n’avez pas eu le loisir d’y porter vos yeux. Ou les moyens de vous l’offrir, l’éditeur fait un geste citoyen. C’est à la mode. Nuit debout d’un côté. Editeur droit dans ses bottes de l’autre : hé quoi, y’a pas qu’les richards qui lisent, hein ?! Ci-gît, alors, sur ma table basse, ce pavé de papier.

Ivanohé. Monstre littéraire aux personnages hauts en couleur. Caricaturaux. Rigides. Sans âme, presque… Au contraire ! Si l’on peut sentir du Dickens en devenir, ces « héros » simples tournés vers l’action n’en sont pas pour autant idiots… Ils sont plutôt le reflet de leur environnement. De leur héritage.

Ivanohé ne constitue pas une simple excursion romanesque. C’est une création savante. C’est nourri de réflexions historiques autant qu’un tissage allusif… Ce n’est pas, non plus, une excentricité marginale. Ce long roman reprend des thèmes familiers dont l’auteur aime s’entretenir : situation nationale, ethnie, politique qui composèrent la matrice des premiers romans de Scott.

Ivanohé c’est aussi le seul roman où le héros… est au lit ! Cloué dans sa couche pendant près de la moitié du livre. Alors qu’autour de lui se déroulent des événements épiques…  C’est aussi une belle vitrine de la chevalerie. Même si Scott est désinvolte en matière de chronologie, sa connaissance des armes, architecture et légendes donne une assise crédible.

Le contenu d’Ivanohé invite aussi le lecteur à la réflexion. C’est d’abord un roman d’aventures où se succèdent des situations périlleuses et des péripéties, où des personnes en danger de mort sont sauvées in extremis par une circonstance inattendue. Ou la Providence. Ou la ruse… Ensuite la structure n’a rien de linéaire : elle se compose de plusieurs strates et de plusieurs intrigues. Au cours d’une action resserrée dans le temps et dans l’espace, censée ne durer que quelques jours et se situer dans un périmètre relativement restreint du nord de l’Angleterre, voilà qu’elles se superposent et se combinent. Se nouent et se dénouent harmonieusement. Avec des retournements de situations qui confirment la grande inventivité de Scott. Formant une polyphonie habilement gérée…

Ivanohé préfigure bien, en effet lecteur attentif à mon propos, les romans à venir d’un certain monsieur Stevenson qui éleva le roman d’aventures bien au-delà de la Littérature…

 

Annabelle Hautecontre

Walter Scott, Ivanhoé, traduit et présenté par Henri Suhamy, Folio, coll. « Classique », 872 p. – 8,70 euros

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