"Tarantino Le crépuscule des images", l'imposture dévoilée


Le faussaire

 

Pour paraphraser un ouvrage du sinistre plumitif Alain Badiou, on pourrait dire que cet ouvrage contient une question : de quoi Tarantino est-il le nom ? L’auteur de ces lignes avoue ne plus guère goûter le « cinéma » du wonder boy de la Miramax. Bourré de références, obsédé par la citation et  fasciné par l’ultra violence sans pour autant disposer de capacité de recul par rapport à elle (à la différence, au hasard, de Martin Scorsese), Quentin Tarantino est pour le moins surestimé, ce qui ne l’empêche pas d’être vénéré par des hordes de fans transis. Ils ne comprennent d’ailleurs pas, lorsqu’on débat avec eux de leur idole, qu’on puisse penser que le bon Quentin n’est pas un innovateur : j’ai un jour été éberlué par un jugement sur Reservoir dogs qui en mettait en avant la dilatation du temps (waouh) et la narration éclatée. Or, dans ce film, Tarantino ne faisait que compiler des scènes prises ici et là dans des classiques du film noir (Quand la ville dort de Huston, La soif du mal de Welles et L’ultime razzia de Kubrick, notamment), avec il est vrai du brio dans le montage. Rien de plus. Tarantino, c’est de la cinéphilie iophilisée pour des spectateurs paresseux et ignorants de l’histoire du cinéma...

 

Tarantino, un symptôme de notre époque

 

Le livre de Yannick Rolandeau contient effectivement une dissection impitoyable des films de Quentin Tarantino. Il met particulièrement en évidence la vision nihiliste du monde de l’auteur de Pulp fiction, adorant des héros sans morale (on cherche toujours ce qui pourrait en tenir lieu chez l’héroïne de Kill Bill). Il démontre également le tournant qui s’est opéré avec Kill Bill où Tarantino a commencé à jouer sur le ressentiment des victimes : les femmes (Kill Bill, Boulevard de la mort, Inglorius bastards), les victimes du racisme (nazi dans Inglorious bastards, sudiste dans Django unchained) dont il met en scène la vengeance. Son vrai talent est de rendre ça jouissif pour le spectateur, au détriment de toute réflexion sur l’histoire, la violence ou quoique ce soit. Il est par exemple totalement incapable d’égaler le travail de Kubrick sur Orange mécanique et aucune image signifiante n’est en mesure de sortir du potlatch que sont ses films…

 

On approuve, on applaudit la réflexion de Yannick Rolandeau. A lire donc, à un moment où nous saturons des images de violence de cette époque détestable…

 

 

Sylvain Bonnet

 

Yannick Rolandeau, Quentin Tarentino ou le crépuscule de l’image, L’harmattan, mai 2014, 170 pages, 17 €

6 commentaires

Juste un mot inutile pour dire à l'auteur de ces lignes que me fait bien plaisir celle-ci : "le sinistre plumitif Alain Badiou" ; pour le Tarantino étant insuffisamment "cinéphile" (si ce n'est disons "étymologiquement", ce qui sans doute ne suffit pas) je me souviens " juste "  d'un agacement, il y a peu de temps, de mon cher Finkielkraut contre Tarantino...  Et le sinistre Badiou n'étant pas ami du tout avec Finki, me connaissant je peux penser que cela fait pour moi assez d' indices valables d'un accord de fond un peu a priori mais pas tant que cela avec le sentiment du chroniqueur Sylvain Bonnet... que je salue. (Bon maintenant, on peut lire des choses plus utiles que ce bref "commentaire" ; un poème par exemple...)

j'en comprends qu'Alain Finkielkraut n'aime pas Tarantino: puisque j'apprécie l'auteur de "la défaite de la pensée, je le prends comme un compliment.

Gagné ! J'avais subodoré que vous risquiez d'apprécier Finkielkraut.... (Elémentaire...) C'est bien sûr de MON commentaire que je disais qu'il n'était pas très nécessaire - juste court propos de "salon"....   

Merci de révéler à un plus large public l'ouvrage d'un auteur qui doit brûler au fond de la réserve des libraires, pour lesquels (la plupart -  et pour info, les ai pratiqué près de 20 ans !), Tarantino représente le génie à l'état pur du cinéaste-penseur à même de faire réfléchir avec de l'action pure et simple ! En des termes moins empreints d'adoration juvénilement aveugle, un cinéaste adepte de la violence par l'esthétique, de troubles obsessionnels joliment enfilés au montage pour exutoire. Y. Rolandeau vient de gagner un lecteur, et vous aussi.

http://lumieresurlestemps.blogspot.fr/

boudouw

Il faut dire que l'ouvrage est assez court et n'est pas seulement une critique en surface de Tarantino mais opère une critique historique, politique et économique de l'avènement d'un tel cinéaste. Bien écrit en plus. L'auteur a raison d'y ajouter une réflexion sur l'image reprenant Baudrillard et Pasolini pour situer le tout dans une réflexion plus large.

Bouillon 70

Essai virulent proprement ignoré des médias évidemment. Je trouve que l'article aurait pu retracer les trois parties démontrant l'analyse de Y. Rolandeau, ce qui aurait pu lui donner plus de portée.