Yoann Berjaud "Le chant premier, les derniers guerriers du silence", les débuts ne sont jamais faciles...

L’héritage de Bordage

 

En sortant les Guerriers du silence en 1994, Pierre Bordage réussit un coup : imposer un space opera d’envergure sur la scène de la science-fiction française. La collection Anticipation chez Fleuve noir regorgeait de spécimens du genre mais le cycle de Bordage, de l’avis général, semblait doté d’une autre dimension. La sortie de ce Chant premier montre l’impact de l’œuvre de Bordage sur toute une génération, dont Yoann Berjaud est un bon représentant. Critique sur le site Noosfere, fan, Berjaud publie ici son premier livre (à coup sûr le premier tome d’un nouveau cycle) où il paie sa dette au vieux Pierre.

 

Dans un avenir lointain…

 

Sekhem, jeune amirale de la flotte Sbaraite, plutôt brillante et reconnue pour ses qualités de stratège, est en patrouille dans un système solaire quand son navire capte des signaux d’un artefact inconnu. Elle décide d’aller à sa rencontre et découvre son fils, censé être décédé depuis plusieurs mois (et dont elle porte encore le deuil), qui lui parle avant de disparaître. Désireuse de découvrir la vérité, elle prend un congé pour retourner sur sa planète, consciente qu’une menace plane sur l’univers… Parallèlement, Adryan, rejeton d’une grande famille de nobles de la planète Syracusa, est approché par des membres de l’ordre du néo Mashma ; ceux-ci veulent prendre le pouvoir au nom du Dieu Noir et faire régner l’ordre dans la galaxie. Adryan, dont le père dirige l’ordre en sous-main, échoue à passer les épreuves d’initiation et commence un long chemin qui le mène à la résistance. Petit à petit, les guerriers du silence se réorganisent, sous l’influence de Tau Phraïm et, grâce à l’influence bienveillante de la prophétesse Abahelle, recrutent et se préparent à un nouvel affrontement avec les forces du mal.

 

On ne peut pas reprocher à un space opera son manichéisme, typique du genre. Yoann Berjaud, ses souvenirs de Star Wars en bandoulière, respecte largement les règles (et l’univers de Bordage) : en d’autres termes, le cahier des charges est respecté. C’est ailleurs que le bât blesse…

 

Structure et style

 

Désireux d’imiter l’écriture de Bordage - ce qui est louable, Berjaud a dû penser aux lecteurs du cycle et ne veut pas les décevoir ; peut-être aussi veut-il rendre hommage…-, notre auteur utilise un vocabulaire très recherché, son texte fourmille de passages descriptifs, un peu à la manière des Guerriers du silence. Pourtant, au final l’écriture paraît trop ampoulée et emphatique. Pourquoi ? Quand l’auteur fait par exemple une description qu’il veut macabre, il utilisera tous les adjectifs, mots, expressions appartenant à ce champ lexical. D’où une sensation de lourdeur dans l’écriture. L’ouvrage aurait gagné en qualité à l’emploi d’un style moins surchargé.

 

A cela s’ajoute la lenteur de l’action. Ce volume a certainement été conçu pour mettre en place l’action du 2ème (et la fin à ce titre constitue un bon cliffhanger). Il aurait fallu alors une écriture plus rythmée, moins surchargée et moins contemplative. Berjaud cite Dan Simmons comme une de ses influences. Or le premier volume d’Hypérion mettait en place une intrigue à travers le récit de l’histoire de chacun des personnages, avec le Gritche comme point commun : l’auteur s’en est clairement inspiré - et il en avait le droit -, mais il lui manque la vision d’un Simmons pour que chacune des histoires soit passionnante. De tous les personnages présentés, seul Sekhem intéresse. Femme forte, dure, guerrière et en même temps mère d’un enfant qu’elle croyait perdu, elle intrigue, passionne, interpelle.

 

Pour un premier roman, Yoann Berjaud a choisi un exercice parmi les plus difficiles : écrire dans un univers qui n’est pas de sa création et se mettre dans le sillage d’un auteur qu’il idolâtre… Sans être un échec désastreux, Le Chant premier est pourtant loin de la réussite annoncée. Peut-être manque t-il à l’auteur de la maturité pour atteindre son objectif : écrire de la science-fiction de qualité. Mais l’ambition manque encore de souffle…

 

Sylvain Bonnet

 

Yoann Berjaud, Le Chant premier : les derniers guerriers du silence, Éditions Mnemos, collection dédales, 285 pages, avril 2012, 20,5€

1 commentaire

Je partage cet avis. J'ai commence le livre, pour m'arrêter après une centaine de page, tant les personnages sont simplistes. C'est bien simple, tout le monde à des visions de l'avenir, a des super pouvoirs, est d'une droiture sans faille ou d.une cruauté sans limite. En gros, c'est noir ou blanc.

Je tombe sincèrement des nues en apprenant que Pierre Bordage accorde sa caution au livre. Grosse déception, du moins pur un très gros lecteur de SF et fan de la trilogie d'origine.