Yves Chiron : les clefs du conclave

La bibliographie d’Yves Chiron chez Perrin était déjà riche d’une longue série d’essais ou de biographies ayant trait à la religion catholique. Les vies de saints, d’abbés, de pontifes ou de penseurs (Pascal) y côtoient des contributions pointues (sur la condamnation de l’Action française par Pie XI, par exemple) ou des panoramas plus ambitieux, telles une histoire des conciles ou encore une passionnante enquête sur les apparitions de la Vierge Marie.


Cette fois, la parution dont il nous gratifie colle parfaitement avec l’actualité récente de l’avènement sur le Saint-Siège de François, dans la mesure où c’est aux conclaves qu’il s’intéresse.


Réunion secrète – depuis qu’il fut institué, vers 1274, qu’il devait se tenir à huis clos – chaque conclave est bien étymologiquement un « moment-clé » dans l’histoire de l’Église. Ses modalités ont certes varié avec les siècles, et les quelque deux cent soixante-quatre successeurs de Pierre n’ont pas tous été élus selon un schéma immuable, loin s’en faut : la façon de désigner (à main levée, par bulletin, etc.), la proportionnalité des voix nécessaires, la garantie de la discrétion des échanges, le recours au veto, tout cela sera soumis à des aménagements parfois bien justifiés. Pensez donc, la constitution de Grégoire, datant de la fin du XIIIe siècle, prévoyait en effet que, au fil des journées de débats, la nourriture fournie aux cardinaux diminue progressivement, pour les inciter à accélérer l’élection ! « Si, au bout de trois jours, les cardinaux ne sont pas parvenus à se mettre d’accord, on ne leur servira plus qu’un seul plat le midi et un autre le soir, et si, après cinq jours à ce régime, l’élection n’est pas toujours faite, le cardinaux ne recevront que du pain, du vin et de l’eau. » On imagine, si cette règle avait été maintenue, l’hécatombe engendrée par le conclave de 1830 qui aboutit à la désignation d’un Pontifex maximus… après deux mois de palabres !


Bien d’autres aspects, moins anecdotiques mais d’une roborative érudition, sont envisagés par Chiron. Ainsi des rapports entre autorités ecclésiastiques et pouvoir temporel, notamment du temps du Saint-Empire, et qui font apparaître la dimension éminemment politique de l’événement ; ou encore les basses manœuvres stratégiques d’accession au sommet, comme la simonie ou le népotisme. L’occasion de revisiter le passé de familles à la sombre réputation, pas toujours fondée d’ailleurs, à l’instar des Borgia qui ne furent pas tous corrompus ou corrupteurs.


Les férus d’histoire, religieuse ou tout court, trouveront dans cet ouvrage un sujet dont ils ne soupçonnaient peut-être pas a priori l’intérêt et dans les coulisses duquel Chiron évolue avec une autorité toute… cardinalice !


Frédéric Saenen


Yves Chiron, Histoire des conclaves, Perrin, mars 2013, 268 pp., 21 €

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