Yves Michaud : états gazeux de l'art

Partant d'une évidence – du moins partielle–  aux traditionnels tableaux et sculptures, succèdent ou du moins cohabitent installations, environnements et dispositifs multimédias visant à envelopper le spectateur dans des expériences multi-sensorielles.
D'où ce que l'essayiste nomme la vaporisation de l’art, son passage à un état gazeux. Ce qui prouve de la part de Michaud une certaine vision étroite de telles "prestations scéniques" qui ne peuvent se résumer à une certaine légèreté de l'air. D'autant qu'un tel art ne sent pas forcément la rose en ses vapeurs.

Mais l'essayiste ne s'arrête pas en si bon chemin et voudrait prouver que l'art en son évolution soulignerait le triomphe de l’esthétique, là où  l'œuvre d'art serait remplacée  par  un mouvement d’esthétisation générale de nos milieux de vie. Ce qui là encore reste malgré tout une vue de l'esprit en une certaine étroitesse. Certes l’expérience esthétique a changé : de frontale elle est devenue atmosphérique. Mais affirmer qu'elle est désormais créé sur  le signe du plaisir, du sensible et de l’éprouvé reste pour le moins réducteur.

L'auteur ne retient que certaines ouvertures qui – et sur ce plan l'auteur voit juste – font l'économie de toute théorie élaborée. De là à affirmer qu'il faut que tout soit luxe, calme et volupté, plaisant, charmant, lisse, agréable, ou encore excitant, intéressant dans le registre couramment appelé esthétique ne correspond qu'à une partie de l'art actuel et peut-être la moins intéressante.

La révision du concept d’esthétique et du changement que ses expériences nouvelles entrainent méritaient mieux que cette approche partiale des nouvelles formes de l'art. Elles ne peuvent se réduire à une sorte d'actualité-spectacle. Soit dans le domaine de la performance et de l'installation, soit dans les médiums classiques que l'auteur a tendance à effacer du champ artistique, existe autre chose qu'un art pour bobos.

Jean-Paul Gavard-Perret

Yves Michaud, L'art, c'est bien fini  Essai sur l'hyper-esthétique et les atmosphères, coll. NRF Essais, Gallimard, septembre 2021, 336 p.-, 22 €

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