Le Serment des cinq lords, un excellent Blake et Mortimer !

1919, dans le café de la gare de Reading s’ennuient quelques voyageurs. La pluie frappe aux fenêtres, la nuit étend son empire et les trains se font attendre. Un homme rentre, un autre se déplace tandis qu’un dernier bois son café. Le deuxième sort finalement, une valise à la main et rejoint une voiture. Puis lorsque la locomotive fait entendre son bruit si caractéristique, l’Anglais au café se rend compte que sa valise a disparu. Il DOIT la retrouver absolument et finalement se retrouve dans la voiture qui attendait à l’extérieur. Les présentations faites, le Colonel Lawrence est entrainé par le responsable du MI5 qui lui explique que dans la lutte contre les communistes a été décidé que le héros de la guerre du désert réécrirait la fin de son manuscrit dans l’intérêt de sa famille…

Et 35 ans plus tard, sur les toits d’Oxford, marche un fantôme qui vient tout simplement voler un violon. Au matin, à Londres, Francis Blake et Philip Mortimer apprennent la mort d’un vieil ami d’enfance du capitaine. Celui-ci part alors à l’enterrement Lord Harry Pitchwick sans savoir qu’il va remuer un passé qu’il aurait mieux valu conservé enfoui…

 

Blake et Mortimer sont peut-être les personnages les plus increvables de la bande-dessinée ! Voici le duo de Edgar P. Jacobs, mort en 1987, de retour pour un nouvel opus sous le scénario de Yves Sente et d’André Juillard. Si le créateur conserve encore la majorité des titres de la série (12 tomes sont de lui), les « suivants » que sont Van Hamme et Sente (au scénario) et Benoit, Juillard, Sterne/Spiegeleer et Aubin (au dessin) s’en partage 8 : Blake et Mortimer ont pris leur envol. Et parfois, souvent, s’éloigne de l’excellence des premiers. Enfin, même le créateur s’en était écartée parfois…

 

Cependant, ici, il faut reconnaître un ouvrage totalement dans la lignée des aventures de l’Espadon, de la Pyramide ou, surtout, de la Marque Jaune. S’il n’y a point de guerre mondiale ou pharaon caché, il y a des meurtres et des vols perturbants. Cela autour d’un secret concernant Lawrence d’Arabie, le célèbre colonel de l’armée britannique mort dans un « accident » de voiture. Sente se glisse parfaitement dans la peau d’un scénariste de B&M, ce qui fait plaisir : l’homme est parfois critiqué – à tord ou raison, mais il y a au moins une fois où nous trouvons personnellement que c’est à raison avec Thorgal – cependant il réussit à adopter le ton de la narration de Jabobs et son type de scénario.

Juillard, lui, fait de cet excellent scénario une BD qui aurait totalement pu être dessiné par le créateur de la série ! Son trait, les attitudes des personnages, tout correspond exactement au style si caractéristique de la série (par exemple, un nombre impressionnant de personnage de profil, rendant parfois l’ensemble peu crédible : les gens sont-ils autant « alignés » dans la vraie vie ?). Et qui plus est, un Cluédo géant dans la ville d'Oxford, cela est assez agréable !

 

Offrant un Oxford enneigé, un fantôme digne du Olrik de La Marque Jaune, une réécriture de l’histoire – pour le plaisir du jeu littéraire – et un peu de culpabilité pour nos héros, Le Serment des cinq lords est un excellent Blake et Mortimer qui ravira tant les adorateurs de la série que les néophytes qui y découvriront un duo en pleine action !

 

Pierre Chaffard-Luçon

Sente & Juillard, Le Serment des cinq lords, Dargaud, 16 novembre 2012, 64 p. - 15,25 €

3 commentaires

C'est effectivement une très bonne "cuvée". Une nouvelle équipe a été recrutée pour développer d'autres aventures - en plus d'Yves Sente et d'André Juillard - suite au retrait de Jean Van Hamme:
http://blake-jacobs-et-mortimer.over-blog.com/article-l-onde-mega-un-nouveau-crayonne-115734932.html

PCL

Oui, chose "amusante" : partout où Van Hamme passe, Yves Sente repasse. B&M, Thorgal, XIII...
Au-delà de la question de talent (que nous ne jugerons pas dans ce petit commentaire), il doit surement y avoir une amitié !

Critique Littéraire

Enfin, une aventure de Blake et Mortimer sans l'inévitable ''colonel Olrik'', voilà qui est rafraichissant en fin de compte. Ça en devenait presque risible de lire leurs aventures et d'y découvrir au détour - au tournant - d'une page cet ineffaçable ''colonel'', comme si les deux amis britanniques ne pouvaient exister sans leur ennemi communs. Mais cet album nous prouve enfin le contraire, je dis alors bravo aux auteurs Yves Sente et André Juillard et je les encourage à poursuivre dans cette voie. Merci...