Laurent Thinès : sur le brise-glace des nuits de garde

La Garde de Nuit crée une sensation de vertige par la pure émergence de la sensation et d’une évidence. Laurent Thinès, neurochirurgien du mécano de l'humain, y ouvre et entoure le monde de la précarité du fait d'être vivant.

Le risque est autant du côté des malades que de celui  de qui les soigne. Surgissent, par le déplacement métaphorique, une sorte d’aura mais aussi l’arête vive d’un seuil, sa marque indélébile entre passé et futur par effets d’instantanés de la vie d'un médecin écrasé par sa tache au sein d'un univers à la fois médiéval et empreint d'une postmodernité des plus efficientes.

Le texte en effet reprend la forme des mystères du Moyen-Age. Mais ici il ne se joue pas devant les parvis des églises mais devant la cathédrale de l'hôpital où s'opère  la lutte contre les fléaux qui atteignent les hommes.

L'auteur, pour l'illustrer, a su métamorphoser le réel le plus sophistiqué par des contacts avec des mondes archaïques. L'exposition poétique crée un rapport concret au réel tel qu'il est par la fable où résonnent divers types de désespoirs : celui des malades et celui des passeurs sur le fleuve de la ville.

Le vécu est présent à travers les sentinelles qui sont soumis à des suites de catastrophes intimes qu'ils doivent affronter. Il y a là le médecin bien sûr mais aussi les mains ouvrières qui l'accompagnent et qui souvent sont plus proches des détresses physiques et psychiques.

Le livre est donc celui des diverses vulnérabilités et angoisses. Le tout dans la fantasmagorie imagée de la forteresse hospitalière, brise-glace des nuits de solitude ou glacier mélancolique.
Chacun s'y bat avec ses armes et son courage.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Laurent Thinès, La Garde de Nuit (Réparer les soignants), Z4 éditions, avril 2020, 90 p., 14 €

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