La glorieuse "Berezina" de Sylvain Tesson, coup de coeur de cette rentrée littéraire de janvier !

Un peu dérangé, Sylvain Tesson, qui entreprend de refaire à bord d’une moto side-car russe de marque Oural le trajet de la retraite de Russie après la Berezina… Ou simplement aventurier, chevalier du panache et de l’honneur… Hommage aux morts de la Grande Armée, dont le sacrifice serait – et est, quand il n’est pas purement oublié – incompris aujourd’hui. Probablement notre mentalité autant contemporaine que détestable offrirait à ces héros un procès en règle. Médiatique certainement. Judiciaire aussi, sans doute.


Berezina est donc le récit de ce voyage, de la naissance de l’idée à l’arrivée aux Invalides. En apéritif, deux cartes sont proposées : la première retrace les trois itinéraires de la Grande Armée – campagne de Russie (aller), puis retraite (des soldats) et retour de Napoléon, qui pressé de sauver son Empire, laissa la conduite du retour à Murat ; la seconde carte retrace le parcours de Tesson et de ses compagnons, Cédric Gras, directeur du centre culturel français de Donetsk (Dombass, Ukraine), Thomas Goisque, photographe et deux amis russes, Vassili et Vitaly. Berezina est aussi le récit d’une amitié forgée dans les difficultés, la littérature et l’alcool. Les cinq amis ont voyagé en compagnie des témoignages écrits des survivants, mémoires de Caulaincourt (le secrétaire de Napoléon), ou du sergent Bourgogne, entre autres. Cette traversée de l’Europe de Moscou à Paris sous la férule du général Hiver et sur des engins branlants par nature est un hymne à l’aventure. L’objectif : rendre hommage aux morts, aux victimes survivantes aussi, de la retraite infernale. Sûrement pas plus idiot que les multiples journées commémoratives inutiles et oublieuses (forçant l’oubli) si drôlement décriées par Philippe Muray.


Le récit est émaillé d’aphorismes – Sylvain Tesson les aime au point d’en publier des recueils – et de considérations sur la France actuelle, la politique occidentale à l’encontre de la Russie et sur le sens de la vie. Non dénué d’humour, Berezina bovaryse au plus haut point ! Je dois confesser l’avoir lu d’une traite et avoir refait la traversée toute la nuit suivante. je ne peux que recommander chaudement cette froide épopée qui remet sur le devant de notre scène craintive et recroquevillée sur elle-même les beaux mots d’Honneur, de Gloire, d’Aventure, de Littérature…


Philippe Rubempré


Sylvain Tesson, Berezina, janvier 2015, Éditions Guérin, 197 pages, 19,50 euros

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