Entre l’Alpha et l’Oméga : une lecture de l’Apocalypse
Mais il y a la ville d’Angers, son musée et sa
bibliothèque ! Laquelle, sise à quelques encablures du château qui
renferme la monumentale tenture médiévale de l’Apocalypse, s’est sentie
inspirée par le défi que Daniel Leuwers souhaitait relever avec sa collection
de livres pauvres, un concept
littéraire qui n’en est plus à ses balbutiements mais qui rayonne de par le
monde, expositions itinérantes (New York, Moscou, Beyrouth, Brême, Bucarest,
etc.), monographies (Tarabuste en 2003, Somogy en 2006, Gallimard en 2008,
etc.), interventions… Il s’agit d’un petit livre d’artiste tiré à quatre
exemplaires numérotés, entièrement écrit à la main et associé à une
intervention originale d’un peintre, plasticien voire l’auteur lui-même, quand
ce n’est pas le peintre qui se saisit de sa plume – comme ce fut le cas pour
Baltazar – dont le livre qu’il a peint avec Jean-Pierre Geay
est reproduit en couverture.
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Cette idée d’un livre profondément humain, humble,
artisanalement créé mais tout autant rare, précis, construit (celui d’Arrabal
qui se déplie vers la droite et en hauteur pour libérer des sculptures en
papier gaufré est extraordinaire), et donc d’une beauté saisissante, est la preuve
ultime et définitive que ce n’est en rien l’argent et/ou le matériau qui fait
l’œuvre mais bien l’idée créatrice et la main de l’homme.
Non des algorithmes
ni des assistants…
Volontairement « hors commerce », le livre pauvre s’affranchit des collectionneurs pour se donner « à lire » au public, et offre aussi à l’artiste un espace de liberté absolue. Nul besoin d’obéir aux préceptes d’un éditeur : bien au contraire, ici c’est le risque qui est primé.
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La collection L’Apocalypse
est née en 2014, à Angers, une idée originale de Marc-Édouard Gautier,
comme l’on peut lire sur les génériques de film. Il faut dire que le
conservateur de la Bibliothèque municipale nous offre ici un parcours très
cinématographique, un film à sketches en quelque sorte où chaque auteur s’exprime dans le même
cadre. Tous ont reçu des feuilles de papier vierge au format 250 x 160, pliées
en deux avec une simple indication sur la quatrième page : L’Apocalypse.
Autant dire carte blanche !
Entre citations et textes originaux, les écrivains, les
poètes, les peintres, se sont sentis pousser des ailes. De la citation de John
Taylor consacrée à la méditation au triptyque de la peintre Chantal Giraud, du
ciel transformé en cheval déterminé par le peintre tchèque Petr Herel qui
répond au ciel qui s’est retiré du poète Dominique Sampiero, c’est bien ici que
se démontre l’aventure illimitée de l’art. Car faire de l’art, nous rappelle Daniel Leuwers, c’est lire le monde et le transformer en un livre qui prend évidemment
le risque d’être mangé et avalé.
Être artiste c’est aussi une manière d’être
ailleurs, de se libérer du poids du monde, de briser le carcan de l’oubli et de l’ennui ;
c’est aussi arracher au sablier du temps qui passe les esquilles de sens qui
échappe au dialogue impossible que nous tentons, coûte que coûte, d’établir
avec l’infini.
François Xavier
Daniel Leuwers, Le livre pauvre – Entre l’Alpha et l’Oméga : une lecture de l’Apocalypse, 265 x 210, + 150 illustrations couleur, introduction de Marc-Édouard Gautier, Ville d’Angers, octobre 2016, 124 p. – 18,00 euros
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