Olympisme, des jeux et des arts

Avec ses temples, son vaste stade, son gymnase, sa palestre, son quadrilatère, le site d’Olympie situé dans la vallée du Péloponnèse devait être impressionnant. Malgré le passage et les outrages des siècles, il le demeure. C’est ici que, sous l’effet des rayons du soleil concentrés dans un skaphia, un miroir parabolique antique, la flamme des jeux de Paris de 2024 a été allumée.
Le 26 mars 1938, le cœur de Pierre de Coubertin était déposé dans une stèle également à Olympie. Celui à qui on doit la création de l’olympisme moderne et notamment le drapeau avec ses cinq anneaux entrelacés, symbole s’inspirant des couronnes de feuillage visibles sur une stèle en marbre gris du 2ème siècle avant J.C., se retrouve ainsi relié pour toujours aux lieux où tous les quatre ans, se déroulaient les célèbres jeux en l’honneur de Zeus.

Pour les concurrents actuels comme pour les athlètes antiques, les mots de Coubertin, lui-même sportif et soucieux de pédagogie, pourraient résumer l’enjeu des jeux : Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre.
Derrière les épreuves d’hier comme pour celles d’aujourd’hui, se lisent en filigrane les valeurs qui avaient perduré pendant plus d’un millénaire pour orienter ces compétitions solennelles, reprises maintenant en trois mots, l’excellence, le respect, l’amitié. Une reformulation de la devise des jeux d’Athènes de 1896, plus vite, plus haut, plus fort, d’ailleurs mentionnée aux JO de Salt Lake City en 2002 dans sa version latine, citius, altius, fortius, a depuis été usitée.

D’une grande finesse d’exécution, véritables œuvres d’art en miniature, des timbres-poste édités dans des tons pastel et gravés selon le dessin de l’artiste suisse Émile Gilliéron, grand connaisseur de l’archéologie grecque et visiteur régulier du Louvre, permettent de suivre les jeux d’alors, la lutte, la course, le saut. De même, des amphores attiques à figures noires, des coupes à figures rouges, une hydrie datant d’environ 500 ans avant J.C., l’intérieur d’une kylix, la base d’un relief de l’Acropole d’Athènes nous montrent des lanceurs de javelot à pied ou à cheval, l’entraînement aux haltères, des adolescents dans une scène de pugilat.
D’autres objets, comme une œnochoé qui était une sorte de pichet de vin, en terre cuite et aux formes parfaites, conservée au Louvre, nous renseigne sur la lampadédromie, la course aux flambeaux que la course de relais moderne évoque.
Dans ce long parcours où l’histoire, l’archéologie, la philologie s’unissent à la politique, à l’économie, à l’hygiénisme et de toute évidence à la culture et aux arts sous toutes leurs formes, apparaissent de nombreuses personnalités qui œuvrèrent tant en France qu’en Grèce pour construire cette réinvention des anciens jeux helléniques et les adapter aux évolutions du temps et des disciplines sportives.
Parmi elles, un professeur érudit en sémantique, Michel Bréal. Donateur de la coupe rappelant le trophée remis le 15 avril 1896 au premier champion de l’épreuve, le grec Spýros Loúis, alors vêtu de la fustanelle, le costume national grec, il est l’inventeur du marathon, course organisée en souvenir du fameux trajet parcouru par un soldat au terme de la bataille de Marathon contre les Perses en 490 avant J.C. C’était une victoire ouvrant à la prééminence d’Athènes sur toutes les cités grecques écrit l’un des quelques quarante auteurs qui font de cet ouvrage accompagnant l’exposition du Louvre (jusqu'au 16 septembre 2024) une très précieuse et riche source d’informations sur la re-création et les transformations successives de l’olympisme.
Les photographies exaltant la beauté du geste alliée au désir d’aller au bout de ses forces physiques, les objets sortis des collections déposées dans les lieux prestigieux, les documents d’archives, tels que lettres, livres, gravures, cartes postales, les sculptures et les figurines, entre autres celles de deux coureuses en bronze (550-525 avant J.C.), les revues, les affiches, toutes les œuvres qui sont présentées au fil des pages, ainsi que l’écrit Laurence des Cars, mettent en lumière les résonances antiques des cérémonies, des épreuves et des images olympiques d’aujourd’hui.
On note également combien, pour aboutir à cette double qualité de lecture et de regard, a été dense et constant le dialogue entre le Louvre et l’école française d’Athènes. C’est à des idéaux de paix, de dépassement de soi, à une entente par-dessus les frontières auxquels font en principe référence les J.O., des valeurs malheureusement souvent mises en échec par tant de facteurs, guerre, terrorisme, discrimination, abus divers, abus du côté spectaculaire qui les détournent des objectifs initiaux.

Dominique Vergnon

Christina Mitsopoulou, Alexandre Farnoux et al. (sous la direction de), L’Olympisme, une invention moderne, un héritage antique, 230x280 mm, illustrations, coédition Hazan-Musée du Louvre, avril 2024, 336 p.-, 45€

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