Lumière et reflets chez les maîtres hollandais

Comme une note de musique qui revient de façon régulière dans une symphonie et rythme la mélodie, dans chacun de ces tableaux s’impose de manière constante la lumière, directe ou alors discrète, droite ou oblique, vive ou assombrie, du nord ou du midi, venue de l’intérieur des maisons ou de l’extérieur c’est à dire de la nature. Cette lumière se pose sur des patineurs au beau milieu de l’hiver, rayonne sur les convives invités à une naissance, entoure les membres de la garde civique, nimbe des visages sérieux ou au contraire joyeux, illumine des objets divers tels qu’un verre, un chapeau, une lettre, des fleurs, du plus savant comme une mappemonde au plus trivial comme des pichets de vin, du plus précieux comme un luth au plus ordinaire comme des œufs.
Pour les maîtres du Siècle d’or hollandais, rien qui ne mérite une patiente attention. Dès qu’ils intègrent un élément quelconque dans une composition, personnages, paysages, objets quotidiens, vêtements et arbres sous leurs talents acquièrent une densité visuelle particulière, une touche de noblesse, un intérêt spécifique qui participe à la narration du tableau et de son histoire.
Parmi ces œuvres que signent onze peintres, voici un témoignage parfait de cette clarté qui illumine en accentuant les reliefs et les ombres, un exemple qui séduit par sa grandeur, la minutie de sa facture, son éclatante blancheur jusque dans les moindres détails. Il s’agit du turban de L’Homme en tenue orientale, huile sur panneau exécutée en 1635 par Rembrandt. Sous ce tourbillon frappé d’un rayon d’autant plus éclatant qu’il est invisible, le regard apparaît grave, sage, perspicace. Même silence, identique intelligence chez L’Astronome de Vermeer dont le visage reçoit de la fenêtre haute une sorte de sérénité lumineuse. Égale dignité chez Van Gogh qui ajoute à cet autoportrait de 1889 un peu d’inquiétude, un sentiment de trouble que renforcent la fixité des yeux et les sinuosités bleutées qui les encadrent.
On retrouve chez les femmes ces caractères faits de distinction et de simplicité, se changeant en fonction les circonstances en application, en joie, en douceur selon les passages de couleurs et de lumière. Bethsabée de Rembrandt, L’Entremetteuse de Gerrit Van Honthorst, la femme de dos qui vide une bassine de cuivre de Pieter de Hooch ou la Jeune fille coupant des oignons de Gérard Dou sont des exemples tout animés de vie par le métier, le rang social, la vocation.
Trois artistes dominent, Vermeer, Rembrandt et Van Gogh.  Mais ceux qui les accompagnent et figurent dans ce catalogue ne manquent pas pour autant de savoir et de finesse pour capter et magnifier la lumière, la rendre partout présente, en enrichir chaque instant de la toile. Notamment Frans Hals, Jan Steen, Hendrick Avercamp. Dans ce périmètre privilégié qui s’étend entre Leyde, Haarlem, La Haye, Utrecht, avec l’extension venue de Vincent Van Gogh, à savoir Saint-Rémy de Provence et Arles, les génies de l’art hollandais ont créé des tableaux d’une inestimable valeur esthétique. Ils ont signé quelques un des chefs d’œuvre universels dont la renommée a dépassé les limites de leur époque et de leur territoire.  

Dans l’ancienne base sous-marine allemande construite en 1940-1941 à Bordeaux, les quatre bassins renvoient les images agrandies, intensifiées par les projections de ces tableaux. Leur mise en miroir si l’on peut dire en augmente la puissance, accroit les effets et les reflets dans l’eau. C’est vivre dans le clair-obscur une double immersion dans la peinture et la lumière. Le spectateur de cette exposition (jusqu’au 5 janvier 2025) se trouve ainsi au plus près des œuvres et confronté à elles.

Dominique Vergnon

Valérie Mettais, Les maîtres hollandais, de Vermeer à Van Gogh, 240 x 280, nombreuses illustrations couleur, Hazan, mars 2024, 120 p.-, 22€

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