La chronique de l'écrivain et poète Claude-Henri Rocquet.

Chronique. Document : Julien Gracq en 1962


Çà & là, la chronique de Claude-Henri Rocquet | 


Réaction de Jean-Claude Thomas suite à la chronique "En lisant Julien Gracq".

 

La chronique de Claude-Henri me touche et réveille en moi des souvenirs.

 

Avez-vous rencontré Julien Gracq toutes les semaines pendant un an ? Était-ce un autre Julien Gracq que celui dont vous parlez ? Non, le même, mais tellement différent !

 

Il s'appelait Monsieur Poirier, il était notre professeur d'histoire, effacé et timide, au lycée Claude Bernard, en 1962.

Et pourtant c'était juste après qu’il eut refusé le Goncourt ! L'énigme nous a tous fascinés.

 

Elle continue à être tout aussi fascinante pour moi soixante-cinq ans après.

Il m'est si difficile de percevoir ce qui peut relier ces deux êtres.

Quel abîme entre l'un et l'autre !

Entre l'homme que nous voyions, serré dans son imperméable strict, intimidant à force d'être sur la réserve, et l'écrivain porté aux nues.

 

Autant, lorsque l'on rencontrait Alain Cuny, comme cela m'est arrivé (nous avons préparé et célébré ensemble les obsèques d'une de ses plus chères amies), on ne pouvait qu'être impressionné par sa présence, sa stature théâtrale, sa force passionnelle et sa voix, autant la parole de Monsieur Poirier n'avait rien à voir avec l'écriture de l'auteur du Rivage des Syrtes et d'Un balcon en forêt.

Et encore moins avec celle du grand théoricien de la littérature, référence majeure de tous les écrivains, qu'il est peu a peu devenu.

 

Il en fut de même pour moi lors des rencontres et des échanges avec Jean Sullivan, caché derrière ses grandes lunettes noires, et assis de guingois dans son fauteuil.

Rien ne laissait pressentir le contenu magnifique de Matinales, du Plus Petit Abîme ou Devance tout Adieu.

 

Aujourd'hui où le moindre écrivain sans talent se trouve projeté sur la scène télévisuelle et sommé de paraphraser ses écrits, comment ne pas s'interroger sur l'alchimie mystérieuse qui ne peut s'opérer que dans le secret d'un lieu qui me fait penser à celui dont parle le Christ quand il dit : « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret » (Mat. 6,6).


Jean-Claude Thomas

 

PS : Je vous envoie en pièce jointe la photo de la classe de 1ére A en 1962-1963 au Lycée Claude Bernard. Au premier rang, à droite de Monsieur Poirier-Julien Gracq, Henri Godard, devenu le grand spécialiste de Louis-Ferdinand Céline, à gauche Serge Klarsfeld, avocat et historien des déportés juifs de France, et Gilbert Amy qui, après un premier prix du concours général de philosophie, est devenu compositeur, chef d’orchestre et successeur de Pierre Boulez. Je suis assis au bout du rang à droite.


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