"Nowhere Men - Tome 1", The world is at your command

Le futur. Quatre scientifiques ont regroupé leurs talents pour former le groupe de chercheurs le plus influent de toute l'histoire de l'humanité. World Corp. n'est pas uniquement à l'origine de révolution technologique, mais fait carrément l'objet d'un culte. Seulement dans les coulisses tout n'est pas aussi parfait qu'on pourrait le croire. Le dramatique échec tenu secret d'une expérience passée a divisé les quatre amis.

Pire : dans l'espace, à bord d'une station orbitale, un virus inconnu décime les membres de l'équipage. Les dirigeants de World Corp. choisissent de les abandonner à leur sort…


Eric Stephenson, c'est un peu l'homme de l'ombre chez Image Comics : jusqu'ici, on le connaissait essentiellement pour son travail en tant qu'executive director. Il signe ici l'un de ses premiers gros titres, co-réalisé avec le jeune dessinateur Nate Bellegarde. Et l'on pouvait craindre un manque d'expérience. C'est la première surprise de Nowhere Men : ces six premiers épisodes sont maîtrisés de bout en bout, et rien ne vient trahir le fait qu'il s'agirait (presque) d'une œuvre de jeunesse.


Deuxième source d'étonnement : la similitude très poussée avec Watchmen, un classique de la bande-dessinée outre-atlantique. On a connu pire référence. Certes, les sujets abordés ici sont différents : l'usage des progrès technologiques et le culte de la personnalité (1). Mais les procédés narratifs rappellent à tout instant le chef d’œuvre d'Alan Moore : uchronie, extraits d’œuvres artistiques fictives, découverte progressive du passé de chacun des personnages (et de leurs relations plus que houleuses !), articles de presse qui éclairent l'intrigue sous un angle nouveau…


Cependant, malgré la sophistication des moyens mis en place, Nowhere Men ne tient pas la comparaison avec son aîné : il n'en garde que la forme et évite soigneusement de s'attaquer au fond. Ici, pas de déconstruction thématique, et pas d'interrogation sur la narration. Tout aussi soignée qu'elle soit, la forme tourne en fin de compte un peu à vide. Heureusement le sous-texte social faisant écho à la situation dans le monde actuel n'est pas pour déplaire, surtout lorsqu'il est finalement délivré avec autant de soin et d'intelligence.


Le scénario, plutôt original et réservant son lot de rebondissements, est joliment servi par le coup de crayon soigné de Bellegarde : l'ambiance froide (peut-être trop accentuée) et impersonnelle retranscrit à la fois l'environnement technologique (parfaitement crédible) mais aussi la personnalité de certains personnages, déconnectés du reste de l'humanité. L'artiste varie sa mise en page selon les besoins du scénario. L'ensemble de l'album donne une impression très soignée, très (trop ?) pensée.


Stephenson et Bellegarde prouvent donc leur capacité à marier science-fiction et discours social et l'on espère qu'ils se verront confier de nouveaux projets, où ils garderont la même liberté de ton et la même inventivité.



Stéphane Le Troëdec



(1) Le titre fait écho à une chanson des Beatles : Nowhere Man.



Eric Stephenson (scénario) et Nate Bellegarde (dessins)

Nowhere Men, Tome 1 : Un destin pire que la mort

Cet album compile les épisodes Nowhere Men #01 à #06 publiés aux USA par Image Comics.

Édité en France par Delcourt (15 avril 2015)

Collection Contrebande

192 pages

17,95 euros

ISBN : 9782756039923

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