Dominique Venner, Le Samouraï d'Occident

Venner l’insurgé magnifique.

Dominique Venner lisait ma revue Antaios (1993-2001) avec une attentive bienveillance, au point de m’adresser, le 9 novembre 2001, dédicacé « en intime complicité » le tapuscrit de ce qui allait devenir Histoire et Tradition des Européens, dont le titre originel, recouvert d’une bande de papier, était en fait Le Bréviaire des Insoumis. C’est dire si Dominique Venner songeait depuis longtemps à ce livre, son testament spirituel que publie aujourd’hui le fidèle Pierre-Guillaume de Roux.

Je mentirais si je disais être surpris par le contenu de ce Samouraï d’Occident, la synthèse d’une vie de réflexions et d’action : dans chacune de ses lignes transparaît l’homme d’épée mué en historien méditatif, l’insurgé magnifique, l’homme noble révolté par l’oubli de ce qu’il appelait si justement « un héritage d’ancienne grandeur et d’unique beauté ». Dominique Venner était révulsé par notre présente décadence, dont il avait perçu les ferments dès sa jeunesse guerrière et que des années de combats militaires, politiques et culturels lui permirent de mieux cerner. Comme l’a bien vu le cher Arnaud Imatz, Dominique Venner « osait les affirmations et les négations souveraines ».

Dans son testament, qu’il avait relu avant de poser ce geste digne d’un stoïcien de l’ancienne Rome - comment ne pas penser à Caton, à Thrasea Paetus, à Sénèque, ces modèles d’hommes accomplis ? -, Dominique Venner invoque le Chevalier de Dürer (1513), celui-là même qui inspira un si bel essai à Jean Cau, une autre splendide figure d’écrivain païen. Impavide, méprisant les risibles grimaces du démon, le Chevalier chevauche vers son destin et entre dans la mort les yeux ouverts.

Il m’est difficile de résumer ce livre testament, à cause de ma peine mais aussi en raison de l’inutilité foncière d’un tel exercice : il faut lire Le Samouraï d’Occident, parce qu’il est signé du sang de son auteur, qui avait sûrement médité cet aphorisme de Nietzsche : « Écris avec du sang et tu apprendras que le sang est esprit ».

Du reste, les lecteurs d’Histoire et Tradition des Européens ou du Siècle de 1914, ses essais majeurs, connaissent les grandes lignes du diagnostic : l’Europe en dormition à la suite de la deuxième Guerre de Trente Ans, le règne funeste des producteurs de toxines et des nains politiques, les maladies de l’âme et la haine de soi grimée en amour de l’autre… L’étude de notre histoire ne se résuma jamais pour Venner à un stérile - et prudent - divertissement d’érudit, mais devait stimuler la réflexion et inspirer l’action. Venner était « historien par passion » : pour lui, l’étude avait pour objectif d’actualiser l’héritage, et non de le neutraliser, comme c’est souvent le cas chez les tenants de l’érudition alimentaire, les gras chanoines de la Sainte Université, dociles perroquets chargés de donner un semblant de légitimité à la doxa dominante.

Insoumis, c’est-à-dire fidèle à une légitimité bafouée, Dominique Venner présente avec une clarté digne d’un pédagogue les clivages et les enjeux, comme par exemple son refus passionné de la mystique de l’illimité, née du désert monothéiste, en laquelle il voit avec lucidité le fondement de la crise qui frappe notre monde. La création ex nihilo, impensable pour un homme d’Athènes, et la multitude de ses conséquences, du saccage des bosquets sacrés à l’ablation de notre mémoire ancestrale, lui inspire des lignes lumineuses. Son éloge du Japon héroïque, du stoïcisme comme discipline de vie, et bien sûr, le leitmotiv de ce livre comme de ses précédents, l’exaltation d’Homère, notre éducateur, constituent autant de pistes fécondes pour une refondation que Dominique Venner, par son sacrifice, a authentifiée.

Guerrier ascétique, kshatriya par essence, Dominique Venner pouvait parfois faire preuve d’une raideur certaine, voire manquer de nuance. Ses livres, dont les superbes Dictionnaire amoureux de la chasse et Le Cœur rebelle, disent  de façon abrupte son dégoût des impostures et du mol avachissement, mais tant pis. Ou plutôt, tant mieux.

De Dominique Venner, je retiendrai cette exhortation qui était la sienne : « la nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ». Tout est dit. Et ce bristol, l’ultime, posté le jour de sa mort volontaire, où furent inscrits d’une main qui ne trembla pas : « Votre amitié m’aura toujours été précieuse ».

La vôtre, Monsieur, me le sera de plus en plus.

 

Christopher Gérard

 

Dominique Venner, Le Samouraï d'Occident, Editions Pierre-Guillaume de Roux.

 

3 commentaires

Plutôt hostile à ses principales orientations (et à ses engagements, de jeune nation à Occident), je n'en lisais pas moins Dominique Venner et la NRH. Parce qu'avant tout il s'agissait d'un intellectuel brillant, chose que je respecte. Je sais qu'il se revendiquait païen, il n'empêche que j'ai été choqué par son suicide à Notre-Dame, lieu de culte chargé d'histoire.

Je confie ici mon hommage à un Homme. Un Homme de courage, de passion, d'érudition, de lucidité. Il en reste si peu sur notre planète tournant de plus en plus follement dans des cieux inhabités. Mort cependant au pied de la Croix. Paradoxalement, ce geste de Seigneur nous redonne espoir.

Je passe ici pour me renseigner sur la littérature et je tombe sur l'éloge d'un nationaliste et de radio Courtoisie ! 

Ce site prendrait-il la poussière au point de ne pas faire la différence entre la crispation de quelques passions raides et l'ouverture promise par l'art ?

Bon. Mais pour montrer ma grande Kulture, je veux bien discuter avec ceux qui en sont capables d'Heimito Von Doderer ou pourquoi pas d'Ezra Pound. Le reste ira aux orties...