Comprendre la géopolitique de demain ?

Fathallah Oualalou, la Chine, Arabie, Afrique

Certains matins, il est bon de se plonger dans la lecture d'un livre qui vous semble difficile. Comment comprendre ce qui est loin de moi, moi qui suis simple pigiste pour différentes rédactions ? Je cours d'un couloir à l'autre, écoutant de la musique, en savourant quelques idées contemporaines sur l'effondrement de l'occident. Mais qu'en sais-je réellement ? Quelle est la marche de l'histoire contemporaine ?
Comme beaucoup j'ai été choquée par l'éclatement de la guerre en Ukraine, ce qui fait que depuis son commencement je me pose des questions de "sens", de "vision" du futur.

Ce matin, au détour d'un café, on me conseille de lire ce livre. Les bras m'en tombent. D'abord par mon ignorance de l'histoire des liens entre le continent africain et la Chine, mais aussi par son actualité.
Fathallah Oualalou, auteur pour moi totalement inconnu... Et finalement, je découvre derrière une plume incisive, la figure de celui qui a été un économiste et un homme politique marocain. Auparavant, il a été ministre de l'Économie et des Finances (de 1998 à 2000), puis ministre de l'Économie, des Finances, de la Privatisation et du Tourisme (de 2000 à 2002), enfin ministre des Finances et de la Privatisation (de 2002 à 2007), et maire de Rabat (de 2009 à 2015). 

Dès le début, de cet essai je suis prise de vertige entre les dates, les projets et par cette association entre deux puissances qui ont largement dépassé le stade de la catégorie "émergente". Je me laisse ainsi conduire au fil de l'écriture de ce l'ancien ministre, je regarde son étonnement et ses observations depuis le début de la pandémie de Covid-19.
Il évoque clairement une nouvelle bipolarisation du monde entre les États-Unis et la Chine ce bien que la Chine défende un multilatélarisme, mais les États-Unis ont besoin de la figure de l'ennemi (clin d'œil ici appuyé aux recherches de Pierre Conessa). C'est dans la perspective de ce multilatéralisme que la Chine développe ses liens avec le continent africain. Des projets colossaux (des constructions tout azimut), et des liens entre les universités. Bref une nouvelle carte du monde se dessine sous nos yeux.

Comme économiste, l'auteur note que  la Chine est désormais au cœur de la demande mondiale. Avec l’essoufflement de leurs économies, et depuis 2008, avec la crise économique et financière mondiale, les pays développés (États-Unis et Europe) ont non seulement perdu leur rôle, longtemps exclusif, de locomotive de l’économie de la planète, mais ils ont également compté dans une large mesure sur la croissance élevée de l'économie chinoise pour maintenir leur dynamisme et sur la Chine pour investir ses propres excédents budgétaires dans leurs économies en déclin. (pp.43-44).
En cinq grandes parties, cet essai, met en évidence ces développements économiques, sociaux et culturels avec le grand projet appelé One Belt, One Road (Une Ceinture, une Route) ou encore Les Nouvelles Routes de la Soie. Mais comme le souligne l'auteur n'allez pas croire que les liens entre l'Afrique et la Chine sont récents. Ibn Battûta a été le premier voyageur arabe en Chine. Explorateur marocain féru de voyages, il a effectué de nombreux et longs voyages depuis sa ville natale, Tanger,  couvrant ainsi la quasi-totalité du monde.  (p.139)

À contre-courant, je vous conseille de lire ce livre pour comprendre l'actualité de notre époque. Et comprendre que nous devons réfléchir à ce qui se dessine géopolitiquement. Avec Fathallah Oualalou on apprend que la Chine connaît bien l’Afrique et a fortement soutenu les pays africains dans leur lutte pour l'indépendance. Dès les années 1960, la Chine s'était déjà engagée dans une coopération Sud-Sud avec l'Afrique. Depuis sa réforme et son ouverture, la Chine est devenue le principal partenaire de la plupart des pays africains : elle importe des matières premières et du pétrole d'Afrique, exporte un large éventail de biens de consommation et de biens industriels vers l'Afrique et met en œuvre des projets d'infrastructure en utilisant diverses sources de financement telles que le commerce, les prêts, les dons et les investissements, en plus des partenariats scientifiques, technologiques et culturels et parfois stratégiques.
En d'autres termes, nous devons apprendre, comprendre et dessiner les nouveaux enjeux de notre époque. Bref, un livre à lire, un livre qui secoue et remet en place. Mais n'est-ce pas là le principe fabuleux de la lecture ? 

Léa Bessis

Fathallah Oualalou, La Chine & l'espace arabo-africain, La route de la soie éditions, novembre 2021, 352 p.-, 20€

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