Jean-Paul Goux entre Alzheimer & fantasmes

L’esprit est le Malin a lui tout seul, et je n’ai pas mis de majuscule à esprit même si la tentation fut grande, tant l’entourloupe est quotidienne. Oui, notre esprit est plus malin que nous, cet inconscient/subconscient qui nous manipule sous l’effet de pulsions, inflexions, désirs et fantasmes qui se mêlent dans un kaléidoscope brouillant toutes nos facultés d’adaptation, de modération en nous poussant à chercher, toujours, comment nous brûler sans nous blesser…
Ainsi en ira également le dogme religieux dans cet Esprit qui pourrait n’être alors que spirituel tout en (se) jouant du Malin dans l’acceptation de sa condition, notre humanité si faible en sa constitution qu’elle ne voit jamais où le bât blesse, où l'âme souffre comme si l’argument central était toujours décalé, niant l’évidence…
Le temps aidant, le corps trahit nos irrésistibles démons, libèrent nos frustrations et malheur à ceux qui restent, à ceux qui tentent d’affronter la dégénérescence sans comprendre qu’ils sont, eux aussi, partie intégrante du processus.
Ainsi Vivien qui marche sur les braises quand Julie lui narre ce chantier impossible, accepté pour ne pas rester à tourner en rond à l’agence, malgré sa répugnance à bâtir du béton sur les ruines d’une noble demeure. Sauf qu’il n’en a aucun souvenir, lui. Est-ce donc sa mémoire qui flanche ou les fantasmes de Julie qui s’émancipent ?
Toujours aussi précis, lent et harmonieux, Jean-Paul Goux nous peint un monde oublié dans le creux de nos mémoires perverties par les cités modernes, cette campagne où un chemin de terre remontait en plein champ la croupe qui fermait le vallon comme une longue culée de remblai boisée à son sommet et qui menait à l’essart creusé à la lisière du bois.
Littéraire plongée dans l’humus des esprits ouverts, cette lecture rappelle que le monde est aussi celui que l’on regarde, et non forcément ce qu’il paraît être. Ailleurs, quelque part dans les paysages de l’esprit, circule un amour aux valeurs universelles qui se rappelle aux protagonistes afin de siffler la fin des chamailleries pour que les sens pourchassés toute la vie durant se laissent débusquer la veille du grand soir.

François Xavier

Jean-Paul Goux, Sourdes contrées, Champ Vallon, coll. Détours, janvier 2019, 240 p. – 19,50 €

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