Infinity

Branle-bas de combat ! Les Bâtisseurs, les extra-terrestres qui ont créé et développé notre univers, se dirigent droit vers la Terre, anéantissant des planètes entières sur leur passage. Leur objectif ? Anéantir l'humanité. Les Avengers partent au devant du danger pour éviter d'avoir à livrer bataille sur notre planète. Mais les Bâtisseurs ne sont-ils pas trop puissants pour nos héros ?

Pendant ce temps, Thanos profite que l'attention des justiciers soit portée ailleurs pour envoyer ses sbires ravager la Terre. Mais que cherche réellement celui qu'on surnomme le Titan Fou ?


Depuis House of M (2005), c'est devenu une tradition chez Marvel : chaque année, l'éditeur publie un event, une grosse saga en plusieurs épisodes impliquant plusieurs de ses personnages emblématiques. Et ces dernières années on peut dire que les events se suivent sans parvenir à retrouver l'éclat de Civil War (2006-2007), l'event le plus connu (et le plus réussi) de Marvel. En 2013, l'éditeur confiait donc son épopée annuelle à un de ses scénaristes vedette, Jonathan Hickman (East of West, Avengers vs X-Men).


Jonathan Hickman avait déjà repris les nouvelles séries des Avengers, en y apportant ses habitudes : des histoires orig

inales mais souvent sibyllines, qui se dégustent sur le long terme. J'ai toujours pensé qu'Hickman n'écrivait pas du Marvel classique, mais qu'il développait ses concepts un peu barrés pour ensuite y plaquer des super-héros. Infinity, Hickman le prépare depuis longtemps : il s'est débrouillé depuis de longs mois à modifier en profondeur l'équipe des Avengers, en y incorporant des personnages de plus en plus puissants (Captain Universe, Starbrand). Quelque chose se tramait dans l'univers Marvel. Ce quelque chose c'était donc Infinity.

Infinity s'organise de manière assez simple : une trame principale (les épisodes réunis dans cet album) étoffée par des épisodes périphériques qui viennent préciser certaines parties de l'histoire. Heureusement Jonathan Hickman joue ici la carte du reader friendly, dans le sens où, vraiment, on peut se contenter de ne lire que ces six épisodes sans se sentir lésé. Le scénariste se débrouille pour résumer les informations nécessaires (là où, il y a quelques années, Marvel nous aurait obligé à aller lire certains passages dans un autre épisode, sans oublié de passer à la caisse, bien entendu). OK, on a parfois des trous d'air narratifs et on sent bien qu'il faudrait aller lire New Avengers tome 2 et Avengers tome 4 (surtout pour la séquence spatiale) mais j'ai apprécié l'effort.


La trame principale est particulièrement dense, et Hickman utilise au mieux l'espace qu'on lui donne. Après tout, dans cette histoire, il y a trois menaces en une : d'un côté les Bâtisseurs, de l'autre Thanos, et au loin les événements entamés dans New Avengers, qui trouveront leur point d'orgue dans l'épopée Secret Wars (en cours de publication aux États-Unis).

Au cœur de l'histoire, il y a tout un passage très prenant, quand on a l'impression qu'il n'y a plus d'espoir et que les Avengers sont sur le point de capituler. Hickman joue merveilleusement avec la suspension d'incrédulité du lecteur pour amener une scène de reddition mémorable.


Évidemment, on retrouve tout de même les tics d'écriture d'Hickman : son obstination pour les symboles, ses titres énigmatiques, ou son utilisation du hors champ narratif. Il faut parfois accepter que de gros morceaux d'intrigues ne nous soient pas montrés, mais seulement évoqués par les dialogues. Mais comme l'intrigue ravive l'héritage Marvel, surtout ses grosses sagas cosmiques, l'ensemble trouve son équilibre (Thanos ne fait pas que de la figuration, et j'ai bien aimé le clin d’œil en loin à Rom, le Chevalier de l'Espace). Et puis clairement Hickman écrit sur le très long terme. Infinity prolonge certaines intrigues entamées dans d'autres séries du même scénariste, en un gros puzzle narratif, passionnant si on commence à y mettre le nez.

Trois dessinateurs se partagent le travail sur les dessins. J'avais découvert Jim Cheung sur Scion il y a des années, où déjà il faisait du très bon boulot : depuis, son style s'est affiné, et il me fait de plus en plus penser à Arthur Adams ou Nick Bradshaw. Il s'occupe ici des premiers et derniers épisodes, deux épisodes somptueux. Jerome Opeña et Dustin Weaver se chargent des épisodes 2 à 5, l'encrage et la couleur parvenant assez bien à faire oublier les changements de dessinateurs. Certes, je pense qu'Infinity aurait beaucoup gagné à n'être confié qu'à Jim Cheung, mais l'ensemble se tient très bien.


Infinity est le meilleur event Marvel depuis Civil War, tout simplement. Si vous aimez les immenses sagas super-héroïques, vous auriez tord de vous priver. Infinity fonctionne à plusieurs niveaux : on peut le survoler sans se poser trop de questions, ou le lire comme une des pièces du grand puzzle qu'est en train de construire Jonathan Hickman chez Marvel, et dans ce cas, ça marche très bien aussi.



Stéphane Le Troëdec




Jonathan Hickman (scénario), Jim Cheung, Jerome Opeña et Dustin Weaver (dessins)

Marvel Now ! : Infinity

Édité en France par Panini France (1er juillet 2015)

Collection Marvel Now

216 pages

22,00 euros

ISBN : 9782809449549

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