Michel Onfray, La Puissance d’exister : Oublier Dieu

Nouveau manifeste hédoniste de notre philosophe normand, qui explique qu’après avoir passé le cap des trente livres écrits, il éprouve le besoin de faire le point sur sa jolie danseuse. Résultat, ce livre n’apportera pas grand-chose de nouveau aux lecteurs fidèles de Michel Onfray : contre philosophie hédoniste, politique libertaire, sexualité libérée des carcans judéo-chrétiens et bourgeois, art libertaire et joyeux, autant de thèmes traités à l’envi dans le Ventre des Philosophes, les traités sur l’art, l’Art de jouir, Politique du Rebelle, les Féeries anatomiques, Théorie du Corps amoureux ou la Philosophie féroce. On notera juste que la pensée d’Onfray est toujours aussi claire et construite. En revanche, à tout nouvel arrivant dans l’univers onfraysien, ce livre est un heureux viatique pour initier le voyage. Rapide survol de quelque vingt années de réflexion philosophique et humaine, quelques clés nouvelles, notamment sur l’enfance du philosophe pour éclairer quelques pistes ici et l’heureux voyage commence.

 

Il y a donc dans ce texte, un élément nouveau, ou plus exactement l’explication complète de ce qu’Onfray glissait ici ou là dans ses précédents ouvrages sur sa violente antipathie pour les représentants du culte catholique. Le préambule sur son enfance passée dans une école religieuse, les relations tendues avec sa mère, donne au nouveau lecteur comme à l’ancien de nouvelles pistes de compréhension des choix philosophiques de l’auteur. Les moqueurs, nombreux, du travail d’Onfray, y verront de quoi soutenir leurs positions sur l’irrationalité de l’ire antireligieuse du philosophe, les autres y liront ce qu’ils savent depuis longtemps sur la violence inhérente au monde clos des religions du Livre.

 

Il y a du manifeste politique dans ce livre, et à quelques mois de la présidentielle 2007, certaines idées pourraient raviver un peu le rose bien défraîchi d’une gauche effroyablement consensuelle. Sur l’art, la sexualité, le rapport au corps, l’avancée des sciences liées au vivant, nous sommes de plain-pied dans cette grandiose pensée matérialiste qui avance libre et solaire dans un univers marqué par la petitesse et la crainte. Les thèmes abordés feront frémir les peureux et raviront ceux qui estiment qu’il est grand temps de démasquer définitivement tout ce que notre réflexion sur les questions de la procréation médicalement assistée, du droit de mourir dans la dignité, des thérapies géniques, porte encore de scories métaphysiques et magiques. Oublions Dieu et laissons l’homme profiter de tout ce que la science peut lui apporter. Nul doute que les propos d’Onfray sur l’eugénisme, notion qu’il dégage de ses vieilles lunes nazies ou fascisantes, feront sursauter le bon bourgeois, mais après tout, il ne professe aucune obligation, juste le choix pour chacun de faire ce que sa conscience et surtout son courage et sa force de caractère lui enjoignent. Nous ne sommes pas tous partisans de l’idée que la souffrance envoyée par Dieu est constructive, loin de là, heureusement.

 

Du bon, du très bon donc, même si pas franchement nouveau, mais le plaisir est intact, et finalement, n’est-ce pas le signe d’une saine relation ? La subjectivité d’Onfray, que d’aucuns lui reprochent, est en fait le signe sain d’une philosophie de l’existence en permanente conflagration avec l’actualité, le monde réel, la vie quotidienne. Retour bienvenu à une philosophie vivante, débarrassée des résidus d’une pensée sclérosée, se nourrissant de concepts abscons, d’idées sans relation avec le monde. Onfray poursuit son petit bonhomme de chemin et nous avec lui. Il nous offre la possibilité de réfléchir à ce que nous voulons faire de notre existence.

 

Adeline Bronner

 

Michel Onfray, La Puissance d’exister, Grasset, octobre 2006, 230 pages, 17,90 € ; Le Livre de Poche, coll « Biblio essai », février 2008, 281 pages, 6,60 €

 

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