Palamara & le petit nuage inutile

Il est toujours difficile, voire dangereux, de mêler une approche émotionnelle, personnelle et thérapeutique dans la création artistique dès lors que l’on cherche à atteindre l’universel en ne fouillant que ses entrailles et son âme. Si Philippe Sollers parvient à ne parler que de son nombril il a tout de même le talent d’éloigner ses fantômes en convoquant Chateaubriand ou Montaigne, de nous emporter sur ses pas dans une Venise énigmatique ou une Toscane mystérieuse ; mais Enza Palamara n’a pas cette délicatesse. D’autant plus difficile pour elle qu’elle tente une approche poétique.
Et comme quatre-vingt-quinze pour cent de ses pairs, elle s’empale sur le pic orgueilleux de la complaisance. Une universitaire, dont les travaux et la démarche peuvent être talentueux dans l’étude comparée, la présentation de ses cours, l’accompagnement de ses élèves, n’a souvent pas la grâce, le don, l’enchantement du poète véritable. D’autant qu’elle appelle Bonnefoy et Jaccottet en référence et qu’elle nous livre une fadette où les vers de collégiens s’offrent en miroirs de gribouillages tout aussi enfantins…
Je sais bien que la poésie contemporaine est trop souvent à l’image de l’art contemporain, une moquerie pour bobos qui n’ont plus aucune culture et suivent aveuglément le troupeau de la mondialisation des idées et des mœurs, mais Alain Duault ou Guy Gaufette, c’est tout de même d’une autre trempe que ces vers cul-cul, comme dirait Gombrowicz :

Tout comme
au premier jour
tu accueilles
les couleurs
du monde


Certes, il s’agit ici d’une renaissance, d’une œuvre construite à la force de l’abnégation face à la maladie, mais c’est une démarche personnelle construite de bric et de broc qui ne mérite pas autant de visibilité. La technique narrative est si puérile – aller à la ligne presque à chaque mot n’est pas signe de poésie – que la musique sonne faux, la candeur fait sourire puis lasse ; tout comme les illustrations – certes, réalisées de la main gauche en raison de la maladie – qui n’apportent pas grand-chose à l’ensemble…

On a connu Frédéric Brun nettement plus inspiré lors de ses précédentes publications, on oubliera donc cet opus en espérant un prochain livre fracassant, déroutant… et en attendant on pourra se plonger dans Baudelaire, par exemple.

 

François Xavier

 

Enza Palamara, Ce que dit le nuage, Poesis, mars 2020, 192 p.-, 19 €

1 commentaire

Bravo, sont aujourd'hui extrêmement rares celles et ceux qui ne manient pas l'encensoir pour pareilles foutaises.

Pour ma part, je préfère souvent me taire, mais je n'en pense pas moins !

André Lombard.