Israël, le mur, la Palestine, la guerre : quel avenir pour la région ?

Alors que les élections législatives israéliennes crispent un peu plus le climat politique local, voire régional, c'est l'occasion pour revenir sur un ouvrage qui embrasse courageusement la problématique qui gangrène le Proche-Orient depuis plus de soixante ans...

Alain Ménargues fut la victime d’une fronde qui l’a poussé à être licencié comme un vulgaire manant de son poste de Directeur des Informations de RFI (au terme de plus de six années de procédure, la Cour de Cassation a fini par condamner Radio France International pour ce licenciement abusif). La version officielle clamait des propos antisémites. Ménargues avait, en effet, affirmé sur LCI qu’Israël est un état raciste.
Rien là de bien méchant, surtout que c’est la stricte vérité pour qui connaît un peu les lois civiles qui régissent le droit à la propriété, par exemple. Vous êtes Juif vous pouvez acheter un terrain, construire une maison, acquérir un appartement. Vous ne l’êtes pas, vous n’avez droit qu’à être locataire. Et encore … Car tout dépend si vous avez la citoyenneté israélienne (celui qui réside en Israël) ou la nationalité (qui concerne la religion). Subtile nuance qui démontre d’emblée que l’état juif ne veut pas d’assimilation entre ses administrés. L’exemple le plus marquant étant la fameuse loi du retour qui ne s’appliquent qu’aux juifs : eux seuls ont droit de "revenir" en terre d’Israël. Les Palestiniens en sont donc exclus.
De même, en 1953 la loi Mariage and Divorce place la femme juive dans une situation inférieure vis-à-vis de l’homme ; elle n’est tout au plus qu’un objet que le mari conserve ou répudie. La halakah seule, la loi religieuse, est ainsi appliquée : il faudra attendre que Yossi Beilin, sous le gouvernement Barak, décide d’ouvrir la compétence des juridictions civiles pour que la femme recouvre un peu sa place et sa dignité. 
La pire des lois fut votée le 31 juillet 2003 (ce qui en dit long sur la volonté de faire la paix) : interdiction aux Palestiniens des territoires, mariés à des Arabes israéliennes ou à des Palestiniennes résidants en Israël, de vivre en couple légalement en Israël. Ainsi un nouveau mur racial est élevé dans le seul but d’éviter tout regroupement familial. Et de conserver la pureté de la race juive.

Voici quelques unes des vérités assénées par ce grand reporter qui a eu le mérite d’oser, mais qui n’est pas juif. Il sera donc traité d’antisémite. Comme dans toute manipulation, il faut chercher ailleurs les véritables raisons de l’hallali : il faut donc lire son dernier livre. Car, sous prétexte de dénoncer la construction du mur de la honte qui est en train de couper en deux la Palestine, Alain Ménargues, on le voit, fait la genèse du sionisme … avant de s’attaquer à toutes les manipulations et autres turpitudes que les gouvernants israéliens firent à l’encontre des Palestiniens pour détruire les accords d’Oslo, et terminer « la guerre de 1948 », comme aime si souvent à la dire Ariel Sharon. Sans parler des colons et de leur idéologie fanatique. Et cela est intolérable pour les défenseurs d’Israël qui sont encore nombreux dans notre pays. D’autant que monsieur Ménargues n’est pas juif. Crime de lèse majesté ! Et de nouveau le mur de l’hypocrisie, du mensonge, du ressentiment érigé en dogme absolu : on ne parle pas d’Israël. Surtout pas de cette manière.
Car Alain Ménargues a placé son livre sur le même angle de vue que l’avait fait Michel Warschawski (Sur la frontière, Stock, 2002, prix Témoin du monde RF1 2003, réédité en poche chez Hachette pluriel) ; mais Ménargues est français et goy, tandis que Warschawski est juif et vit à Jérusalem, et malgré tout ce qu’il déverse sur les dirigeants politiques il ne peut être taxé d’antisémite. Mais les deux hommes ont le même but : dénoncer les doctrines du sionisme et le séparer de la culture juive pour, justement, arrêter de faire l’amalgame et mettre à jour cette minorité xénophobe et fascisante qui n’a eu de cesse de prôner une race juive pure et de jeter l’opprobre sur les Juifs qui voulaient s’assimiler et demeurer dans leurs pays d’origine. Israël toute entière construite sur le mensonge, la haine de l’autre (le non juif), la peur ancestrale, l’industrie de l’Holocauste, etc.
 

Ce mur de plus de huit mètres de haut, de 70 à 100 mètres de large, avec fossés et barbelés, caméras et mitrailleuses télécommandées, va déchirer la terre promise sur plus de sept cent kilomètres. Avec un coût de 2,8 millions de dollars le kilomètre, payé à plus de 80% par le contribuable américain, cette barrière de sécurité qui, en fait, est une barrière de séparation, fut initiée dès 1923 par le théoricien sioniste Vladimir Jabotinsky, qui écrivit dans un célèbre article (La muraille de fer) : "Il est impossible de rêver d’un accord volontaire entre nous et les Arabes. Ni maintenant ni dans l’avenir prévisible". (sic)
1895 : l’affaire Dreyfus fut le déclencheur de la doctrine sioniste sous la férule de Théodore Herzl. Un an plus tard, au congrès de Bâle, il proclame l’idée d’une terre exclusivement juive. Mais déjà il ne fait pas l’unanimité puisque la conférence centrale des rabbins américains qui se tient la même année à Montréal adopte une motion "désapprouvant totalement toute initiative visant à la création d’un état juif" et affirme que "l’objectif du judaïsme n’est ni politique ni national, mais spirituel".
Il n’en faut pas plus pour que le fossé se creuse, et comme toujours la minorité la plus virulente, la plus agressive, la plus extrémiste va l’emporter : les Juifs qui vivent en Europe et ne s’en portent pas plus mal, assimilés totalement à leur environnement culturel, social et politique, ne sentent pas le danger d’un tel mouvement et ne voient pas qu’il va se retourner contre eux.
Jabotinsky, qui a créé la Fédération sioniste d’Allemagne (et avec elle divers groupes armés clandestins, dont l’Irgoun et le groupe Stern), adresse, dès 1933 (date de l’avènement d’Hitler au pouvoir) un mémorandum de soutien au parti national-socialiste : "Depuis que la fondation du nouvel état a proclamé le principe de race, nous souhaitons adapter notre communauté à ces nouvelles structures (…) Nous aussi, nous sommes contre les mariages mixtes et désireux de maintenir la pureté du groupe juif". Sans commentaire.
Voici donc mis au grand jour l’un des principes clé du sionisme : la pureté de la race. D’où le parallèle indéniable que l’on peut faire avec les thèses xénophobes des nazis. L’on peut comprendre que cette information déplaise fortement aux Juifs amis d’Israël … et qu’ainsi ils aient entrepris par tous les moyens d’avoir la tête de ce goy mal venu qui avait osé briser l’omerta.

Mais Alain Ménargues n’oublie rien, il remet tout à plat sous la lumière de la vérité, preuves à l’appui : de Reinhart Heydrich, chef des SS, qui, en 1935, écrivait qu’il fallait bien faire la distinction entre les Juifs : les sionistes et les partisans de l’assimilation ; des premiers (les sionistes) que le Reich va aider dès octobre 1933 en ouvrant une ligne maritime Hambourg-Haïfa pour apporter son soutien à tous les sionistes désireux de partir en Palestine ; de cet officier de haut rang SS qui, en 1934, va passer six mois en Palestine pour aider le mouvement sioniste à s’implanter, etc. etc.
En 1935 le Reichstag adopte les lois raciales dites "de Nuremberg" qui interdisent les mariages et les relations sexuelles entre juifs et Allemands ; aussitôt la Fédération sioniste d’Allemagne s’en félicite car "l’Allemagne satisfait les demandes du Congrès sioniste mondial lorsqu’elle déclare que les Juifs résidants en Allemagne sont une minorité nationale. Le sionisme reconnaît l’existence d’un problème juif et désire une solution constructive et à long terme".
En 1941, le groupe Stern, va jusqu’à proposer ses services à l’Allemagne pour combattre les Anglais (sic) : un document est remis à l’ambassade d’Allemagne à Ankara, signé par Yitzhak Shamir (qui allait devenir premier ministre d’Israël) dans lequel il est écrit : "En matière de conception, nous nous identifions à vous. Pourquoi donc ne pas collaborer l’un avec l’autre ?" Cela fait froid dans le dos …
Les camps de la mort avaient déjà tué plusieurs centaines de milliers de juifs, mais cela ne dérangeaient pas les sionistes puisque c’étaient de mauvais Juifs, de ceux qui avaient cru à l’assimilation … C’est dans le même ordre d’idée que Michel Warschawski rapporte les tourments du rabbin Michal Dov Weismandel de Slovaquie qui écrit à la direction sioniste de Palestine pour supplier les dirigeants d’intervenir auprès des Alliés pour qu’ils bombardent les lignes de chemins de fer qui mènent à Tréblinka, Dachau, Auschwitz … mais on lui répond que c’est hors de question puisque les Juifs doivent payer leur prix du sang s’ils veulent être du côté des vainqueurs et que leur soit accordé Israël. Et Warschawski de conclure : "Le monde religieux qui se sentait dépositaire de la mémoire du judaïsme européen massacré, accusait l’establishment sioniste d’avoir considéré le génocide comme un facteur d’accélération du processus de création de l’Etat d’Israël. Certains étaient même convaincus que, pour les sionistes, le judéocide était un phénomène positif qui contribuait à l’épuration du peuple juif, facilitant ainsi la régénération future des rescapés en Palestine".
CQFD. On le voit, il y eut bien, il demeure bien, de bons Juifs … et des nettement moins bons : d’un côté toutes ces femmes et ces hommes qui n’aspiraient, qui n’aspirent encore aujourd’hui qu’à vivre en paix, avec leur culture, mais qui ne portent pas l’étendard juif, des femmes et des hommes dignes dont certains sont leur porte-parole comme, par exemple, Pierre Vidal-Naquet, Primo Levi, Michel Warschawski, le Mouvement Juif pour la Paix, et de l’autre une cohorte bruyante menée par le CRIF, avec comme bras armés le MRAP, la LICRA, Avocats sans frontières, la Ligue de Défense juive, le Bétar … toute une clique xénophobe, raciste et haineuse qui n’a que faire de la paix du monde, de la communauté internationale et même de ses coreligionnaires  puisque seul compte Israël et la pureté de la race juive. Alain Ménargues a osé défier le silence des médias en dressant un portrait sans complaisance de la politique israélienne et de son idéologie ; il en a payé le prix fort, mais il convient de ne pas baisser les bras puisque Israël est désormais le dernier bastion cancéreux du monde libre. L’Afrique du Sud a fini par céder et abolir l’apartheid ; il convient de se battre pour qu’Israël cesse ses exactions tant sur son territoire, qu’en Palestine ou dans tous les pays voisins.

Il n'y avait donc pas à sacrifier Ménargues sur l'autel de la bien-pensance, mais plutôt à le soutenir comme nous soutenons Warschawski, tous ces hommes de courage et de bonne volonté qui militent pour qu’Israël, en l’état, ne soit plus ; mais qu’il se transforme enfin en un authentique pays laïc et démocratique où un homme égale une voix, où un homme, quelle que soit son origine, possède les mêmes droits que son voisin. Le clivage juif-arabe n’est plus de mise aujourd’hui : "Reconstruire un Royaume juif", affirme Michel Warschawski, "qui soit régi par les préceptes de la Torah et dirigé par les docteurs de la Loi nécessite une double croisade : contre l’Etat moderne et ses structures démocratiques et contre les Arabes, afin de garantir son caractère ethniquement homogène." On voit ici toute l’absurdité d’un tel projet.
Et l’impossibilité d’aboutir qui est ancrée dans son fondement même. Sans parler de l’inutilité d’une telle démarche. Car, comme le souligne George Steiner (Langage et silence, Paris, 10-18, 1967), "Le Juif jette l’ancre non dans l’espace mais dans le temps, dans le sens aigu qui le possède de l’histoire vécue comme une expérience individuelle. Six mille ans d’introspection forgent une patrie. Le déracinement des Juifs, leur caractère cosmopolite flétri par Hitler, Staline, Mosley, Maurras et tous les voyous de la droite n’est qu’une qualité imposée par l’histoire … Mais une fois assumée, cette situation, bien que pénible à l’extrême, n’en débouche pas moins sur de plus larges perspectives."

François Xavier

Alain Ménargues, Le mur de Sharon, Presses de la Renaissance, 2004, 300 p. – 18 €

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