Philippe Pasqua, autoportrait
Peut-on dire que l’on connaît un peintre ? En sept jours Cyr Mald refait le monde de Philippe Pasqua, en s’invitant dans son atelier de Cascais, au Portugal, bâtisse tapis dans un parc, dissimulé sous des filets de l’armée, presqu’invisible aux visiteurs pour laisser à l’artiste tout le temps dont il a besoin pour construire la démesure de son œuvre : celui-ci fait 35 mètres de long sur 15 de large et… 7 mètres de hauteur !
Alors voilà, vous y êtes, vous devez faire face à une œuvre de Pasqua. L’impression est saisissante, à plus d’un titre : non pas que le sujet choque (encore que !), mais par le réalisme, l’outrance des poses ou des modèles (très jeunes filles, trisomiques, etc.) mais aussi – surtout – par l’épaisseur des matières (on pourrait parler de tableaux en bidimension) ou par la taille (cinq mètres sur cinq, et trois mètres cinquante pour les petits), une perspective affranchie, décalée et imposée au regardeur qui déclenche une série d’émotions vives, ultra-fortes jusqu’au rejet ou à l’admiration totale.
Pour vous donner une idée plus précise, un panorama animé est à voir ici.
Entre une partie de backgammon et la lecture de dizaines de
revues de mode, Philippe Pasqua répond aux sollicitations du monde du luxe et
aspire à lui quelques détails de forme ou de couleur qui vont servir de
déclencheur pour un tableau futur. Mais il y a surtout une très forte relation
qui s’est construite entre la littérature et le peintre : son amour pour les
livres d’art l’a conduit à tapisser sa bibliothèque de très nombreux ouvrages,
puis à se lancer dans l’aventure dont le plus étonnant et celui publié par Ynox, un livre en
perpétuel recommencement, que Pasqua fait évoluer au fil des parutions…
C’est un homme très calme, ce Philippe Pasqua, finalement, quoi que tente d’en dire la légende, surtout quand il était à Paris. Quittant son atelier à vingt-trois heures, il sortait dîner tard, et les cons se sont empressés de déblatérer sur lui. Parler sans savoir, sport national : alors que Pasqua se lève tôt, peint de sept à vingt-trois heures. Il aime être seul dans son atelier, il n’aime que ça : peindre, peindre et peindre encore !
Un peu allumé tout de même, il confie avoir engendré un
enfant avec une jeune fille passablement borderline,
comme d’autres décident sur un coup de tête d’adopter une panthère noire. Jeu
de l’entretien qui met en lumière certaines périodes qui, peut-être auraient pu
demeurer dans la sphère privée…
Et sept jours et sept chapitres, on se plonge dans l’univers déjanté de ce peintre hors norme qui nous offre une grande première le dernier jour : en miroir du Picasso de Clouzot qui l’a fait peindre sans prononcer le moindre mot, ici, Pasqua va décrire l’ensemble de son ressenti dans le cadre de sa peinture, de ses émotions alors qu’il s’attaque à son autoportrait (plusieurs toiles sont en chantier). Cela n’a jamais été fait. Chapitre 7 que Philippe Pasqua a souhaité réécrire entièrement à la main, et dont le lecteur découvrira le facsimilé en fin d’ouvrage.
François Xavier
Philippe Pasqua, autoportrait, entretiens avec Cyr Mald, préface de Frédéric Mitterrand, Séguier, février 2014, 208 p. – 21,00 €
PS – Cela vous a taraudé pendant toute votre lecture, n’est-ce pas ? Hé bien oui, Philippe Pasqua est bien le neveu de Charles, l’homme politique bien connu pour sa truculence toute méridionale… et quelques autres coups d’éclat.
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