On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise
Le
meilleur résumé de ce roman tient tout entier dans le titre. Même s’il en
dévoile un peu l’épilogue, il fait la part belle à ce hasard qui mène la
plupart des existences. Sauf que bien entendu, le hasard n’est jamais aussi
beau que lorsqu’il est un peu aidé. Lorsqu’une volonté permet d’élaguer le
chemin.
Isabelle Minière, qui signe ici son second roman chez Serge Safran après le
délicieux Je
suis sensible, va d’abord entraîner le lecteur dans une peinture de
la vie ordinaire, des journées qui passent sans dessein. Le tout culminant dans
le chapitre qui voit Martin, le narrateur, assister à la projection d’un film
au titre tout aussi éclairant, puisqu’il s’appelle sobrement Rien.
Martin est donc un homme sans histoire, ou plutôt dont l’histoire est une suite
de tentatives plus ou moins manquées de faire quelque chose de son existence.
Il vit seul dans un appartement qu’il ne prend plus la peine de ranger, il est
comptable, mais préfère ne pas avoir trop de clients à gérer. Il aimerait
pourtant rencontrer une femme et lui offrir tout l’amour qui ne sert pas pour
l’instant. Pour cela, il lui faudrait un mode d’emploi dont il ne semble pas
pouvoir disposer.
Ce ne sont pas ses parents qui le lui fourniront. D'abord parce qu’ils sont
morts. Ensuite, parce que, quand ils viennent lui rendre visite dans ses rêves,
c’est pour lui expliquer qu’ils ont bien essayé de l’aimer, mais sans succès.
Sa mère est directe : «Comment voulait-on que je t’aime ? Il suffit de te
regarder, encore aujourd’hui… J’ai vraiment pas eu de chance, j’ai tiré le mauvais
numéro à la loterie.» Son père estime que son épouse exagère, tout en
l’excusant. Il lui offre cependant un conseil avant de disparaître :
«Ressaisis-toi, Martin. Moi, je ne suis pas venu pour te critiquer, je suis
venu pour te dire ça : reprends-toi, réagis!»
Pauvre Martin, pauvre misère.
«La pluie qui tombe, la nuit qui tombe… tout tombe. Je ferme le rideau, je ne
veux pas tomber.»
Ce n’est pas la boulangère, brutalisée par son mari, qui lui tendra les bras. À
moins que… Une de ses clientes, psychothérapeute, l’invitera un jour à une
soirée entre amis. Sauf qu’elle est annulée au dernier moment. Frédéric,
artiste plasticien, partagerait bien un café avec lui. Sauf qu’il est parti à
l’autre bout du monde avec… des vitamines D. Jusqu’au jour où… comme le dit le
titre du roman, une bonne surprise l’attend.
Pour faire de ce roman de la vie ordinaire une belle histoire qui fait du bien
au moral, il fallait une plume sensible et des formules qui transforment le
quotidien en poésie. Isabelle Minière possède ce rare talent. On pourrait
remplir des pages de ces jolies formules :
«Il faudrait gratter le ciel, lui ôter le gris sale qui masque la lumière.»
«La solitude, ce n’est pas d’être seul, c’est de n’exister pour personne.»
«Elle rit, c’est joli. Des gouttes d’eau qui tombent sur un piano invisible, et
qui résonnent en douceur. Comme la pluie sur les carreaux, en plus sonore ; et
en plus gai. Je l’écoute rire, c’est une musique. J’écoute, je m’imprègne.»
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