L’Heure des lames

Bear Park est un endroit très étrange. Il y pleut des lames de couteau. Les enfants n’ont pas de parents, ils se les fabriquent eux-mêmes, curieux assemblages hétéroclites. Les objets courants sont en réalité des dieux réincarnés qui parlent. Au bahut, des lions rôdent dans la cour de récréation pendant les heures de classe et il existe un livre dans lequel se trouve la date de votre mort.

Scarper Lee est un ado un peu marginal qui n’a plus que trois semaines à vivre. Son quotidien est perturbé par l’arrivée de Véra Pike, une nouvelle camarade de classe, qui semble beaucoup trop s’intéresser à lui…

 

L’Heure des larmes (en vo, The Motherless Oven) est un étrange album, comme on peut s’en douter à la lecture du résumé ci-dessus. Une impression confirmée tout au long de la lecture. Et même si le fond de l’histoire est, en fin de compte, assez classique, c’est ici la forme, l’univers décrit par Rob Davis qui désarçonne.

 

Il y a ici un peu de L’Orange mécanique, le roman d’Anthony Burgess : la même narration à la première personne et l’utilisation d’un vocabulaire spécifique à l’univers de Bear Park. On y retrouve la même impression d’être propulsé dans un monde tout à la fois commun et différent. Si bien qu’on met un peu de temps à « rentrer » dans ce monde a priori hermétique, mais auquel on s’accoutime en fin de compte assez vite, Rob Davis nous donnant très vite les clés pour évoluer sereinement, tout en laissant juste ce qu’il faut dans l’ombre pour qu’on se pose de nombreuses questions.

 

L’Heure des lames est riche. Riche notamment en métaphores sur la fin de l’adolescence, ou sur la relation enfant/parents, avec ces créatures bizarres aux formes hétéroclites, construites par les enfants, mais avec qui ils n’entretiennent que peu de relations sentimentales. L’idée de cette mort prédéterminée est aussi très intéressante et, on dévore les pages pour savoir si Scarper Lee va effectivement mourir comme prévu. La fin justement, est très particulière, et ne plaira clairement pas à tout le monde.

 

Un mot sur l’édition française avant de finir. Dans ma chronique d’Alcoolique (paru aux éditions Monsieur Toussaint Louverture), j’avais souligné à quel point l’objet livre me paraissait important. Les éditions Warum font ici un bel effort avec un album non seulement magnifique mais agréablement soigné. Un bel objet.


Voici donc un livre rafraîchissant, original et déboussolant. Rob Davis a travaillé son album pour offrir aux lecteurs une fable surprenante et passionnante. Un superbe album pour les amateurs de bandes dessinées indé. Assurément un des albums les plus originaux de ce début d’année.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

Rob Davis (scénario et dessin)

L’Heure des lames

Édité en France par les éditions Warum (17 février 2016)

Collection Civilisation

164 pages n&b, couverture cartonnée

20,00 euros

ISBN : 9782365351256

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