Alain Finkielkraut : Je est mon Autre

Altérité en figure de style ou réaction comme réflexe de survie ? Les deux, mon capitaine, telle est l’essence de la philosophie, sorte d’en même temps intellectuelle qui creuse profondément la question avant de livrer une possible réponse. Laquelle ira parfois vers la métaphore, comme le fit Heidegger quand il lâcha une petite phrase contre le tourisme, porteur de bien des maux et destructeur de beautés. 

Pourra-t-on encore parler de France et de nation dans un proche avenir sans être insulté ? Alain Finkielkraut n’aspire pas à être noyé dans le bouillon multiculturel à l’anglo-saxon, et il rappelle qu’en 1956, les Hongrois victimes de la répression soviétique, appelaient à résister, à mourir pour que la Hongrie restât Hongrie et restât Europe. L’Europe ne doit pas être synonyme de destruction des nations, concept que les wokes de l’UE ne veulent pas entendre… Élisabeth Badinter ne dit pas autre chose : Une seconde société tente de s’imposer insidieusement dans notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession

Le nationalisme serait porteur de xénophobie, et le savoir de ségrégation : alors soyons tous idiots, vivons dans un monde virtuel, et buvons du Coca-Cola toute la journée. Ainsi il en va des foules manipulées et des générations sacrifiées par une Éducation nationale qui a fait une croix sur la méritocratie (encore une trahison de la gauche), sur la notation, sur la transmission du savoir… Il ne doit plus y avoir de hiérarchie, de sachants, nulle transcendance dans l’amour de la connaissance. Les rebellocrates de Philippe Murray exercent leur vengeance sur tous ceux qui ne sont pas à leur mesure et les couvrent de leurs outrages. Idiots de tous les pays, unissez-vous.
Le ressentiment a pris le pas sur les autres passions démocratiques en s’emmitouflant dans le manteau de la vertu… Le rêve de Jean Dubuffet explicité dans Asphyxiante culture en 1968 est en passe de se réaliser : il y a maintenant des "instituts de la déculturation" où des "négateurs solidement entraînés" développent "par des exercices appropriés la vivifiante faculté d’oubli" et proclament l’inanité de la notion de valeur esthétique. On comprend mieux la pauvreté de l’art contemporain et sa haine du beau. 

Heidegger en appelait à un hypothétique dieu pour nous sauver. Alain Finkielkraut espère un réveil et un sursaut humains, faisant le vœu que la politique, selon la définition d’Hannah Arendt, l’amor mundi, reprenne ses droits ; tout en avouant que cela lui semble bien improbable…  
En cela, on suivra Fabrice Luchini : réactionnaire et fier de l’être ! 

 

Ce récit autobiographique se lit d’une seule traite : jubilatoire mais pas forcément optimiste, tant l’heure du constat étant passée, le moment de l’action venu, reste l’homme providentiel à trouver pour sauver la France telle qu’on l’aime, si cela est encore possible… 

François Xavier 

Alain Finkielkraut, À la première personne, Folio, décembre 2021, 130 p.-, 6,90 € 
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