Le feu de la vie, source inépuisable de la poésie d’André Velter

Embrassant aussi bien le monde que les formes, André Velter écrit sa poésie dans tous les styles, démontrant que seule la musique compte, et que c’est dans le rythme des mots ajustés que se déroule le chant poétique, qu’il soit rimé ou en prose, car tout comme la Terre compte de multiples cultures et peuples, la poésie est fille de ce brassage perpétuel des Hommes en leur medium commun. Tous les Hommes partage la poésie, depuis toujours… Elle est le chaînon ultime qui nous relie, quelques soient nos sociétés, car elle provient du cœur, parle de l’âme, et n’évoque jamais à sanctifier le pire mais bien à projeter le meilleur de nous sous le soleil de la vérité…

André Velter écrit d’instinct, partage avec des artistes (Vladimir Velickovic et surtout Ernest Pignon-Ernest) ses penchants pour la chair du monde, les nuages transfrontaliers, les horizons infinis et l’errance, tout ce qui, finalement, grandit l’Homme et repousse la hauteur de l’impossible.

Solitude comme ivresse
Où l’on se reconnaît
Marchant à côté de soi

Exilé à midi
Sous l’astre toujours clair
Qui se fait plus lourd

Qu’un miroir de plomb

La poésie réclame quelque chose d’énorme, de barbare, de sauvage, disait Diderot, en cela elle se veut écrite par des individus qui ne ressemblent à personne, nous rappelle Richard Blin dans sa préface, des auteurs qui vivent d’éblouissements, de passions féroces, de gestes gratuits, qui savent pertinemment que la poésie est affaire d’engagement existentiel, qu’elle est la vie réelle. La vie de toutes nos vies. En témoigne les destins de Rimbaud, Pasolini, Lorca, Cendrars, Michaux, Darwich… et à leurs frères dans les portraits dus à Ernest Pignon-Ernest qu’il afficha en taille réelle dans les rues de Ramallah ou de Paris.

Comment se peut-il
que sans être incurable
on ne veuille pas guérir ?


1998 aurait pu être la dernière année d’André Velter, tant le destin s’acharna sur lui en lui ôtant successivement ses deux amours : Marie-José Lamothe, la complice de toujours ; et Chantal Mauduit, la fée des glaciers… une double disparition qui laissera La vie en dansant, inachevée, inachevable… Il faudra attendre 2005 avec le Cabaret de l’éphémère pour voir qu’André Velter fait un pied de nez à l’insupportable du réel avec cette apologie de la sur-vie qui consiste à investir au-delà de l’espoir, un livre qui joue de l’espace contre le temps : sus à l’inconnu !
Ne jamais céder sur la joie ou les plaisirs en latence féconde dans toute beauté. La joie de l’écoute des autres voix, par exemple, particulièrement celle d’Omar Khayyam, le poète de Nichapour… une voix qui lui a inspiré la chanson parlée, cette irruption de refrains dans le poème qui, grâce à cet artifice, bénéficie d’un surcroît d’échos et se prête à des variations sur des thèmes donnés, avec modulations à soutenir qu'une voix qui sans chanter accède au chant.

La plage est blanche
C’est l’heure où nous sommes
Au plus tangible des rendez-vous
Par déferlement des signes

La dispersion des inquiétudes

J’en tiens pour les corps en cascade
Et les bouches que veux-tu


François Xavier

 

André Velter, La vie en dansant suivi de Au Cabaret de l’éphémère et de Avec un peu plus de ciel, préface de Richard Blin, Poésie/Gallimard n°550, février 2020, 400 p.-, 9,50 €

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