Intima spelunca in intimo sacrario - Baldine Saint Girons “lectrice” d’Andoche Praudel

 

Baldine Saint Girons, « Les champs de bataille d’Andoche Praudel – De la photographie comme art des trophées », Editions Manucius, Paris,  2013, 94 p., 25 E.

 

 

Baldine Saint-Girons auteure des « marges de la nuit – Pour une autre histoire de la peinture »  a repéré ce qui est consubstantiel à la série des « champs de bataille » d’Andoche Praudel : la puissante de métamorphoser les paysages cadavres du passé en une vision « avènementielle » empreinte de sobriété fortement poétique. La photographie permet de quitter le temps du supplice. Le paysage mortifère est transformé selon un protocole précis en 4 temps. Il débouche sur l’éclosion d’œuvres panoramiques. Elles prouvent par le traitement de la photographie sur un papier Japon aux fibres poreuses combien celle-ci est non une représentation du réel mais une re-présentation des temps.

 

 Diverses thématiques picturales et historiques s’y synthétisent. Exit la déploration, la lamentation face à des tombeaux collectifs. L’artiste crée un chiasme historico-géographique  afin de proposer une vision d’un temps à l’état pur au sein même d’un cheminement historique. L’essentiel tient à l’univers désertique aux coloris très souvent diaphanes. Ils manifestent la solidarité profonde du coloris au paysage où se développe une esthétique plus de l’après que de l’avant. Le créateur fait donc toucher à des temps immémoriaux par effet d’histoire. Formes et couleurs lévitent dans un paysage intemporel mais qui prend à témoin le passé cruel. Mais désormais une lumière de limbe ou de nuée coule sur lui pour une extase nue.

 

Baldine Saint Girons rappelle qu’Andoche Praudel en parcourant ces lieux et les fixant remplace la mort par la vie. Mais il y insère des trophées qui rappellent à l’éphémère au sein de paysages sur lesquels le temps pourrait ne plus avoir de prise. Le trophée est donc traité comme l’image elle-même : « intima spelunca in intimo sacrario ». Rares sont donc les photographies qui dans leur nudité peuvent aller si loin. En leur ouate comme dans la lumière plus tranchée la fascination opère.  Le paysage est une mère-perlée. Par la vibration de lumière le monde est en suspens au sein un crépuscule particulier : il s’éloigne de la nuit plus que de s’y glisser.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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