Eric Coisel et les enfouies

 

 

 

Les photographies d’Eric Coisel créent des images ambiguës par l’intérêt que l’artiste porte sur les rebuts. Entre autres les carcasses de voitures, leur culture, leur critique propre à la société de consommation. Populaire, produite en masse la voiture n’est chez lui que l’ombre d’elle-même. Elle se cache. Ses matériaux sont envahis par une nature qui reprend ses droits. L’artiste combine cette dernière avec ce qui n’est plus que de la ferraille. Effets de superposition et d’éclairage dissolvent les rapports spatiaux entre l’objet et ce qui l’envahit. Mais les compositions de la décomposition sont tirées de l’anecdotique. Coisel nous projette d’emblée en un espace subjectif ou l’agencement des objets - du moins ce qu'il en reste - obéit aux caprices de la mémoire et du désir.

 

Le photographe se livre à une simulation de la vie, elle la rejoue dans un vaste « canular » narratif et délétère.  L’être postmoderne passe en effet une partie non négligeable de son temps dans son automobile. C’est une constatation tellement évidente qu’en en oublie cependant ce qui se fomente dans les états de conscience de tout conducteur pris dans ce temps creux. Les carcasses réaniment ce temps mort dans lequel se créent des sortes de fictions, de rêves ou de réflexions.

 

Devenue moins que rien la voiture échappe à son propre contrôle  dans le moulage de  prise photographique. Chacun peut se souvenir de longs déplacements où l'attention était absorbée par d'autres préoccupations. Objet de travail, ustensile de migration ou parfois pur objet de plaisir la voiture n'est plus considérée ici pour sa valeur ajoutée sociale ou sexuelle. Elle devient le lieu de perte et de méditation. Rendue immobile elle n’a même pas valeur de vestige mais d’un refoulé qu’il convient d’enfouir par effet de ruine et de déchet.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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