Les mots dans l’art : Christian Robert-Tissot


 

Le Genevois Christian Robert-Tissot ne cesse de faire se confronter deux langages : celui des mots et celui de la peinture. L’un semble finir où l’autre semble commencer. A moins que ce ne soit le contraire. Ou plutôt les deux font la paire. Par la forme, la couleur, les espacements des mots sur le tableau, ce qui pourrait ressembler à un formalisme au sens premier du terme prend un envol. Au centre de ce dispositif est remise en jeu la question de ce qu’est la peinture et de ce qu’elle n’est pas. Mais aussi de ce que les mots « disent » lorsqu’ils rentrent en peinture comme des moines au couvent. Sur la peinture monochrome enduite au rouleau l’artiste ne joue pas les peintres en lettres. Il s’applique parfois à ce qu’elles bavent. Le mot ou la phrase ne constituent pas le sujet de la peinture même s’ils sautent aux yeux. Non peints ces mots empêchent la peinture de vivre totalement. A l’inverse, le cadre modifie le sens que les mots devraient assurer. Par cet échange de bons (ou de mauvais…) procédés, au-delà de la simple dialectique fond/forme, l’artiste travaille avant tout sur leurs perturbations, leurs accords/désaccords.

 

Ce jeu n’est pas évident. Christian Robert-Tissot doit prévoir des segments phrastiques qui échappent d’un côté aux purs effets (jeux de mots, etc. .) comme à une littéralité trop basique. Depuis 20 ans le Genevois arrive à garder un coup d’avance et à trouver les mots justes (ce qu’il nomme dans une installation  « les mots de résistance)  afin qu’ils soient juste des mots capables de ménager un potentiel mimétique et qu’ils résistent au sens admis. Si parfois le contexte d’exposition illustre la stratégie de l’artiste, le plus souvent c’est dans le seul « cadre » du tableau que tout se joue. Sortant de ce cadre l’artiste propose aussi des sculptures nominales sur le même principe que la 3 D amplifie. Appuyées contre un mur les lettres découpées ne sont pas  forcément lisibles en entier. Ce travail d’illusion et de perspective une nouvelle fois interroge le sens des mots et celui de l’art. Dans tous les cas les mots créent une architecture majeure, essentielle. Elle peut toujours basculer sur l’historique, le politique ou le social non sans parfois ouvrir à une consonance plus surréaliste qu’engagée : les deux ne sont pas incompatibles.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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