Daido Moriyama : Tokyo transfert
Daido Moriyama s’attache à circonscrire le territoire urbain dans toute sa diversité et sa complexité en essayant de réunir les indices de l’espace et les individus qui l’entourent. Après avoir arpenté les rues glauques où croupissent détritus et emballages il vise à saisir l’abandon de passantes qui rajustent leur robe ou s’assoupissent sur un lit dans l’attente d’un client. Elles deviennent des « morceaux choisis » qui semblent pris au vol sans souci de cadrage et de pittoresque et qui ne sont là que pour souligner le chaos urbain. Mais selon une approche poétique d’un univers qui en manque outrageusement.
Daido Moriyama parcourt la ville à la recherche non de l'insolite mais de l'insondable en ce qui tient d'une traque et d'une dérive au fil des rues et des jours. En émanent des tirages en noir et blanc échos à la saturation d’espace de la ville. Se produit la remise en question du cadrage qui demeure une des clés du langage photographique. L’idée n’est pas d’identifier les lieux dans un travail documentaire : il s'agit, à travers un lieu, de dégager une sorte de symbolique de l'enfermement en des paysages vus de manière très large ou des femmes en champs rapprochés. De ce magma émerge la vision d'une ville-« modèle » d’un nouveau genre : elle perd de sa superbe : l'opulence jouxte la précarité. Elle est autant lieu de survie que de vie. Le corps y est montré comme partie intégrante de la structure architecturale. Tokyo n'est plus un film. C'est une histoire de solitudes, de peaux, de chair à cœur ouvert.
Jean-Paul Gavard-Perret
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