Daisuke Yokota : l’attraction immobile
Daisuke Yokota est un photographe mininaliste qui ne cesse de manipuler son immense corpus de prises de vue en provoquant des sortes d’ « accidents » volontaires lors de la numérisation, du développement comme du tirage de ses travaux. A la suite d’un Daido Moriyama le jeune photographe interroge et transforme l’image par la « matière » même de son medium. Se crée une attraction immobile et fascinante dans laquelle l’érotisme lui-même devient diaphane. Par la poésie de ses images en noir et blanc et parfois en couleur l’artiste incarne une synthèse de bien des libertés stylistiques.
L’humain demeure central. Il porte les marques d’amours, de blessures et de joies. Le tout avec parfois une pointe subtile d’humour. Dans certains portraits émane une légèreté présumée. Mais c'est surtout pour l'artiste une manière d'exonérer la gravité de sa donne. Le caractère primesautier n'est qu'une impression de surface. Loin de tout exotisme ou pittoresque Yokota revient à la chair du langage photographique. Il ne sacrifie jamais à la nostalgie ou au folklore et rapatrie vers un eden artistique mais aussi terrestre. Cela ouvre le monde à une profondeur particulière. Mais en aucun cas Yokota réduit la photographie à de petits traités d’archéologie du fugace. A la tentation du raffiné il préfère l'épure du langage photographique. Il ramène dans l’ici-bas de notre inconscient où s’ébrouent les multiples avatars de nos désirs et de leur revers. Chaque photographie semble surgir de la pénombre afin de toucher quelque chose de fondamental. L’être s'y découvre en une image primitive et sourde, en une "chair" plate, blanche, noire et ses dégradés de gris et de grisant.
Jean-Paul Gavard-Perret
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