Un jour viendra, sans mots...
On tient toujours le bout du monde, n’importe où.
Il ne refuse pas
D’être rompu comme un pain tendre.
Rompre le pain tendre du monde, faire corps avec sa mie odorante sous l’écorce des choses… D’un éclat de vers bien affûté, Marie-Claire Bancquart ouvre le monde comme une promesse assurée de s’actualiser en belle floraison d’incertitude…
Il y a du jeu
Dans l’être d’une femme
Qui caresse un livre mince
Et pense à l’incertitude de la vie
Tout en surveillant au miroir
La bonne tenue de son rouge à lèvres
Professeur émérite de littérature française à Paris IV-Sorbonne et membre de l’Académie Mallarmé, elle a publié son premier recueil de poésie, Mais (Vodaine) en 1969 – suivi par des romans (L’Inquisiteur, Belfond, 1980) et des éditions commentées d’Anatole France (Pléiade, 1984-94), de Guy de Maupassant et de Jules Vallès – avant de livrer aux éditions Arfuyen son dernier recueil d’urgence et de combat qui déroule en confidence la perspective d’une vie vouée à la maturation voire à la perfection d’une œuvre – ou le devoir d’être ce que l’on est, porté par la musique de tout ce qui est…
Son mari, le compositeur Alain Banquart , a composé deux œuvres sur les textes du présent recueil, Au grand lit du monde (pour récitante et flûte) et Le cri peut être tendre (pour récitante et piano), donnant à entendre cette exigence portée haut, entre défi et grâce :
Eventail ?
La transparence du papier
Fait passer une ombre d’oiseau
Sur la bouche six fois esquissée
D’un être
Indécis
A prendre visage
Composer, écrire, ne sont pas là exercice de style mais cette expérience vitale qui engage la totalité de l’être vers une éthique et une esthétique – toujours ce devoir sacré de faire corps avec soi-même, c’est-à-dire avec cette part de soi qui ne s’épuise ni ne se répète ou se récapitule mais sans cesse se réarme au bord de l’absolu vertige…
En sa netteté d’épure, la poésie de Marie-Claire Blancquart éblouit à la manière d’un foyer d’intensité vitale interpellant nos cécités de promesses non tenues- et éclaire ce tracé du sensible en attente d’accomplissement, entre l’appel à « plumer l’éternel » et sa résonance contre la vitre miroitante de tout ce qui fait si long feu en nous... Qu’est-ce qui, vraiment, peut être pris sur l’infini – quel écoulement nous réclame ?
Marie-Claire Bancquart, Tracé du vivant, Arfuyen, 96 p. 11 €
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