Isabelle Lévénez dans le silence du monde

Constitué de sons, vidéos, néons et dessins  « Voyage d’hier » crée un univers « fantastique » par sa dramaturgie dépouillée et impressionnante complétée par une série  de fragments d’horizons imaginaires réalisé par des  relevés à la mine de plomb effectués.  Quant à « Bruit blanc » le titre est tiré du processus aléatoire dans lequel le mouvement spectographique est la même pour toutes les fréquences - à l’image du bruit blanc produit lors de l’effet de « neige » sur un téléviseur. Dans - précise l’artiste - "un « mouvement complexe ou le temps est réfracté, arrêté, démultiplié, scindé et toujours rabattu sur un présent » le regardeur devient l’errant d’un lieu sans repères où le temps plus que l’image devient le moteur du paysage - du moins ce qu’il en reste. Il est le signe d’un pays qui n’existe pas ou plutôt où tout est fini

 

Une des grandes métamorphoses et une des originalités majeures de l'oeuvre d'Isabelle Lévénez affectent l'éclatement de la notion de genre. Mais ici il ne s’agit plus de s’intéresser au distinguo des genres masculin-féminin mais des genres artistiques : poésie, son, vidéo, dessin bref tous ceux abordés par l'artiste au moment où - dans la disparition annoncée des corps - l’artiste suggère la dématérialisation de notre monde où le réel est remplacé par les machines à fabriquer du réel. L’image elle-même perd ses caractéristiques, ses indices de reconnaissance. La formule esthétique peu à peu retenue par Isabelle Lévénez ne rapproche donc pas la tragédie ou la comédie de la vie mais elle tend à suggérer que l'espace "scénique" humain  est une fonction secondaire du temps où il se perd, où il se dilue jusqu'à l'extinction finale.

 

L'imaginaire exprime ainsi une crise de l'être par une vision aplatie, du paysage dont les éléments deviennent minimalistes et échappe  à tout effet de féerie même si une fascination demeure. En ces lieux ultimes de non-vie  la lumière elle-même est source de douleur.  D'où, au sein même de l'impossibilité d'espérer un jour atteindre son "l'introuvable soi" dans une absence d'image, un appel à la nuit. L'image, ne pouvant donner de l'être mais que signifier son perpétuel éloignement. Dans son œuvre Lévénez crée des images des limites. Elles retiennent l'attention sans l'attacher par des événements un quelconque pathos. La nouvelle "convention" esthétique proposée crée un monde réduit à ses extrêmes limites. Il n'existe plus de points d'appui : juste une image qui flotte et ne rassemble plus rien dans une caverne vide aux parois invisibles ouverte sur la salle d'exposition. Dans  cette économie sémantique l'image sort de son genre  capable de suggérer de que Beckett   écrit à la fin de Bing": "Lumière chaleur tout su tout blanc coeur souffle sans non. silence hop achevé". 

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Isabelle Lévénez, Voyage d’hier, Galerie Isabelle Gounod, Paris, du 11 janvier au 22 février 2014

 

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