Fastes à Versailles

Les meilleurs à leur service ! Pour Louis XIV, Lully, François Couperin, Charpentier. Pour Louis XV, Rameau, Bodin de Boismortier. Pour Louis XVI, Grétry, Salieri. On pourrait  ajouter bien d’autres célèbres musiciens, Gluck notamment, alors que Mozart ne prendra pas le poste d’organiste qui lui est proposé en 1778. 



Pas de divertissement sans musique, c’est à dire sans les comédies-ballets, les tragédies lyriques et les opéras qui sont non seulement de toutes les grandes fêtes mais aussi des soupers plus intimes, des soirées d’appartement, des carrousels ou encore « des concerts du dimanche de Sa Majesté ». 



Aux noms de ces compositeurs aussitôt  s’associent ceux des auteurs des pièces de théâtre. Talents encore, parmi les plus accomplis, de compositions dramatiques et de comédies, d’intelligence des situations, de connaissance des passions humaines, de l’histoire, avec les auteurs des pages les plus brillantes et les plus savoureuses du répertoire littéraire et théâtral français, Racine, Molière, Marivaux, Voltaire, pièces interprétées par des acteurs dont les noms ont été oubliés mais qui en leur temps reçurent tous les éloges, comme Adrienne Lecouvreur, Préville, Poisson. Les décors sont somptueux, les effets de trompe-l’œil à proprement parler incroyables, les systèmes de transformation complexes, les machineries savantes, les accessoires ingénieux, comme l’élégance, la fantaisie et l’inédit des costumes, des masques et des casques sont poussés à l’extrême de la grâce, de l’étonnement et de l’harmonie (voir par exemple le Costume de Basque pour la troisième entrée du Temple de la Paix, par Jean Berain, 1685, aquarelle, eau-forte, papier et rehauts d’or).

 

 

Quant au jeu, il se pratique « à tous les étages » de la cour, c’est à dire de l’échelle sociale, du roi au valet. Jeux de hasard, d’adresse, de commerce, billard, brelan, bassette, suivis avec entrain, selon des rites, sur des tables particulières, à tel point d’engouement que le roi « ne veut ni qu’on se lève ni qu’on interrompe le jeu quand il approche ». Comme les cartes, les jetons et les dés, les sommes, souvent considérables, circulent tard dans la nuit des princes et des courtisans. La dévotion s’accommode de ces pratiques que les habiles jésuites en quelque sorte, absolvent. Conciliant moralité et religion, pendant ces décennies glorieuses que le reste du monde lui envie, « la cour de France ne fut pas moins assidue au bal le soir qu’à la messe du matin ».

 

 

Premier devoir, somme de tous les plaisirs, conjonction de tous les savoirs, autant fête que jeu et divertissement, se situe la chasse, que les souverains, depuis Louis XIII, pratiquent assidûment. C’est Louis XV qui a eu sans doute, plus que les autres, « le goût du courre ». Jean-Baptiste Oudry, fameux pour ses scènes animalières, décrit dans une imposante huile sur toile de 1730 un de ces épisodes montrant Louis XV à cheval, chassant le cerf en forêt de Saint-Germain. La qualité de la vénerie était si réelle que dans les autres cours d’Europe, du Danemark au Piémont, il était devenu de règle de chasser « à la française ». Les dames ne sont pas en reste et la duchesse de Bourgogne chasse au faucon. 



Animal noble par excellence, le cheval, paré de caparaçons, de plumes et de harnais magnifiques est au cœur des spectacles de quadrilles, également régis par un ordonnancement rigoureux ainsi que le prouvent les estampes illustrant le carrousel des « galans maures entrepris par Monseigneur le Dauphin » (eau-forte de 1685).

 

 

Se divertir est donc une manière de devoir, de comportement, de regard sur soi, comme de savoir danser, marque de noblesse, venu d’un apprentissage acquis depuis l’enfance. Partout règne à Versailles une chorégraphie qui codifie les manières, afin que les activités, les lieux, les relations soient à l’unisson dans cet immense palais qu’est la Maison du roi. Enchantements, fastes, métamorphoses, surprises, le Versailles de l’Ancien Régime rayonne de toutes les flammes de l’amusement et du pouvoir. La grandeur passe de l’un à l’autre et inversement, car pour la monarchie, la politique passe par l’extraordinaire. Les arts, comme jamais, n’ont tous ensemble été aussi favorisés, utilisés, incités à exalter la magnificence et la distinction, le savoir-vivre comme gage de culture. Cette fantastique créativité des artistes est superbement présentée, détaillée, expliquée dans les pages de cet ouvrage qui raconte ce qui nulle part ailleurs qu’à Versailles, jamais ni avant ni après, n’a été et ne sera aussi parfaitement réalisé : la « fabrique du merveilleux ». Un ouvrage qui s’achève avec ce qui concluait les fêtes, les fééries nocturnes des feux d’artifice, dont Hubert Robert nous donne une idée dans son tableau de 1780, quand les jardins du Petit Trianon sont illuminés comme par des nuages de couleurs transparentes, des vapeurs vertes et blanches diaphanes, « jusqu’au moindre buisson ». Un remarquable catalogue pour une exposition éblouissante, pour ses tableaux, ses tapisseries, son mobilier, ses objets.

 

 

Dominique Vergnon

 

 

Sous la direction d’Elisabeth Caude, Jérôme de La Gorce et Béatrix Saule, Fêtes et divertissements à la cour, coédition château de Versailles/Gallimard, 392 pages, 400 illustrations, 24x28 cm, novembre 2016, 49,90 euros.

 

www.chateauversailles.fr;  jusqu’au 26 mars 2017

 

A signaler le livre Architectures de théâtre à Versailles, lieux présent et lieux disparus, sous la direction de Béatrix Saule et d’Elisabeth Caude, qui offre une visite d’ensemble des lieux grâce à d’exceptionnelles reconstitutions 3D par Hubert Naudeix et Marlène Faure, et de nombreux documents d’archives ; éditions Honoré Clair, 160 pages, 120 illustrations, 21x28 cm, décembre 2016, 28 euros ; www.editions-honoreclair.fr

 

 

 

 

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