Quand Christian Bobin écrit ses livres qui reposent essentiellement sur sa foi, déployant des histoires et un style imprégnés de cette aura si particulière ; Frédéric Dupont saute d’un avion l’autre, entre l’Europe et l’Asie pour tenter de capturer dans l’œil de son appareil ces émotions si particulières qui viennent s’imprimer sur ses photographies, rendant alors leur vision… contemplative.

Alors, quand les deux hommes se rencontrent,  et qu’un tel projet voit le jour, seul le temps et la patience pourront faire œuvre : ainsi, il aura fallu plus de cinq années pour percer le mystère. Les abbayes de Provence, les couvents de Bretagne voire les monastères parisiens n’ouvrent que très rarement leurs portes, cet ouvrage n’en est que plus précieux. C’est un regard neuf, premier, inédit porté sur la vie monastique qui s’offre au lecteur…

En effet, certaines communautés ne s’ouvrent jamais au public. C’est donc là toute l’affaire : Frédéric Dupont a donc eu le sésame ultime, la faveur précieuse de pouvoir, dans le silence absolu, laisser seul le déclencheur de son appareil capturer l’éphémère du recueillement.

Livre d’atmosphère que l’on peut découvrir sans nécessairement abonder dans la religion chrétienne mais seulement, uniquement, surtout, vers le Beau, au sens où l’entendaient les Grecs, comme le souligna le philosophe Wladyslaw Tatarkiewicz : c’est-à-dire dans une dimension plus élevée : Beau voulait dire digne d’estime, et seule une nuance le distinguait du Bien. Beauté sacrée, rassurante, pénétrante, beauté-vie en nourriture de l’esprit pour sauver le corps de trop de sécheresse dans une société devenue littéralement folle à lier…

Au-delà de la vie spirituelle de ces femmes et de ces hommes qui consacrent leur vie à Dieu, il y a cette harmonie absolue qui vient enfin concrétiser un petit quelque chose, sans doute ce satané sens après lequel on court pour avoir une raison de se lever chaque matin quand l’absurdité est chape de plomb. Beauté des instants calmes, contemplation de cette Nature que l’on saccage…

Christian Bobin, touché par la magie de ces clichés, a écrit L’Indestructible, splendide allégorie sur la réflexion portée à nos villes, à nos rencontres quotidiennes dans le détachement irréel de nos comportements inadaptés. Envoi d’un monde qui se meurt, quoique qu’on puisse faire…

François Xavier

Christian Bobin & Frédéric Dupont, La Prière silencieuse, 245x255, relié plein papier, 70 illustrations couleur, Gallimard, octobre 2015, 136 p. – 24,90 euros