"Sang pour sang", histoires et origines du mythe des vampires

À l’heure où le grand et le petit écrans nous abreuvent jusqu’à la nausée d’images du blafard Robert Pattinson, dans le rôle du gentil vampire de Twilight et d’épisodes de la très efficace série américaine True Blood, Gallimard et Jean Marigny (universitaire français maître es vampires) ont eu la bonne idée de faire cet ouvrage synthétique reprenant l’histoire et la construction du mythe des morts-vivants suceurs de sang. 

À grand renfort d’illustrations et de documents, Jean Marigny explique avec simplicité les origines multiples de ce qui allait devenir un jour le Comte Dracula. Si des monstres fantastiques avides d’hémoglobines ont été fantasmés par toutes les civilisations, le vampire en lui-même est une création européenne. 

Qui pouvait penser que les racines du concept même de vampire se trouvent aisément dans la culture grecque antique et dans les croyances judéo-chrétiennes ? En effet, le sang, en tant qu’élément essentiel à la vie humaine, devient rapidement un symbole religieux et un bien extrêmement précieux dont la disparition est ipso facto attribuée à une manifestation démoniaque. Ainsi apparaissent les premières rumeurs concernant l’existence de « morts-vivants suceurs de sang » (et non de « vampires » à proprement parler) ; la reconnaissance par l’Eglise des morts-vivants, l’incarnation de la cruauté en des personnages historiques tels que Vlad l’Empaleur, Gilles de Rais ou Erzebeth Bathory, et les successives épidémies de peste ne font qu’aggraver le délire qui saisit l’Europe. Pourtant, ça n’est qu’en 1732 que le mot « vampire » entre dans les dictionnaires, en plein siècle des Lumières, alors même que l’industrie et la science commencent à connaître leur essor !

Après avoir décrit l’historique et la géographie des croyances, des supposées malédictions et des moyens de les contrecarrer, les faits divers qui ont participé à la construction de la légende… Jean Marigny fait alors très clairement comprendre que l’on passe peu à peu d’un simple folklore — à la vie dure — à une véritable construction littéraire et artistique qui n’a cessé de passionner le public, par vagues, depuis le début du XIXe siècle. À travers des personnalités comme Keats, Byron, Polidori, Baudelaire, Gautier et enfin Stocker, naît le mythe du Comte Dracula qui se terre dans son domaine des Carpates. Puis, comme toujours, ce que la littérature a créé, le cinéma s’en est emparé. Les vampires sont entrés dans la littérature du XIXe siècle, offrant toujours une certaine liberté à l’imagination du public, puis ont été incarnés. Bela Lugosi, Christopher Lee, Gary Oldman, Tom Cruise… autant de visages qui ont incarné le mort-vivant suceur de sang tels que son image s’est construite au cours du siècle précédent. Mais, insiste l’auteur, la nouvelle vague des vampires que l’on peut observer dans le paysage artistique contemporain contribue à leur créer une nouvelle image, délaissant l’aspect maléfique d’origine pour en faire des personnages plus proches du public et, peut-être, par là, plus fascinants. 

Le vampire est un personnage tellement fréquent dans les fictions littéraire et audiovisuelle des deux siècles précédent qu’il nous est presque trop familier et que l’on pourrait avoir tendance à ne se poser aucune question à son sujet. À grand renfort de documents d’époques diverses, Jean Marigny (re)fait donc découvrir avec plaisir bon nombre de détails fascinants de la construction de la légende, ses ressorts et ses propagateurs, dans un ouvrage accessible, synthétique et complet comme tout bon « Découvertes Gallimard ». 


Matthieu Buge


Jean Marigny, Sang pour sang, Gallimard, « Découvertes », mai 2010, 13 € 


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