Erri de Luca : avancer quoi qu’il en coûte

Partir pour cet Aller simple n’est-ce pas notre rêve à tous ? Partir, fuir cette hystérie hygiéniste qui interdit aux gens de se voir en extérieur dès lors que l’on serait plus de six, alors qu’Antoine Flahaut, l’un des plus grands infectiologues du monde, vient de confirmer sur Twitter qu’après 130 millions de cas étudiés dans le monde depuis plus d’un an, jamais aucun cluster ne fut détecté en extérieur (en Irlande le taux de contamination en extérieur est de 0,1%) et il y a des préfets en France qui exigent le port du masque sur la plage (sic) ; et on insulte les jeunes qui ont carnavalé à Marseille comme s’ils appartenaient à la maffia… Il faut raison garder ! 

Partir physiquement étant exclu, pour sortir de notre prison à ciel ouvert, on ouvre un livre, on ouvre surtout ce livre, déjà pour le plaisir incomparable de la langue, l’italien que l’on peut ici apprécier dans sa flamboyante musicalité, dans la tonalité si dansante de cette langue méditerranéenne aux accents sautillants.  

Le prisonnier Ante a conservé le nœud, / Il progioniero Ante ha conservato il nodo, 
parfois loin du gardien / qualche volta lontano dalla guardia 
il le pointe face au soleil et se crée une ombre / lo punta contro il sole e si procura un’ombra 
sur l’Île Nue à casser des pierres blanches / sopra l’Isola Nuda a spaccare pietre bianche 
et les jeter ensuite à la mer, dans l’Adriatique, / e poi gettarle a mare, all’ Adriatico 
car la peine est pure, sans valeur pratique, / perché la pena è pura, senza valore pratico, 
et la mer ne se remplira pas. / e il mare non si riempirà.


Soupirer, aimer, laisser couler le temps, tempo lent, descente vers les plages, ciel absent, apprécier l’instant, se contenter du présent ; ainsi pourrons-nous mieux subir l’innommable et continuer d’avancer ; routes mouillées, menteurs et voleurs croisés au loin, accepter le pire pour se perdre au lieu de continuer à se frapper contre le mur du silence. Être dans l’arbre qui deviendra livre, libérer les pages pour qu’elles diffusent les initiales du bonheur à redécouvrir… 

 

François Xavier 

 

Erri de Luca, Aller simple suivi de L’hôte impénitent, traduit de l’italien par Danièle Valin, édition bilingue, Poésie/Gallimard n°559, février 2021, 320 p.-, 9,50 € 
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