Das Grauen schleicht durch Bonnards Haus, de Dan Shocker

Un Américain, Henry Parker, travaillant pour le compte d'un service secret très secret et très particulier, enquête dans la commune française de Maurs. Il s'agit d'élucider des attaques perpétrées sur des humains par ce qui semble être... des vampires. Le service en question s'appelle la PSA (Psychoanalytischen Spezialabteilung ou « Section Spéciale Psychanalytique »), il est chargé d'enquêter sur des affaires présentant des caractéristiques pour le moins inhabituelles. Parker porte le nom de code X-RAY-18.

Le cadavre de Parker, victime d'un meurtre, est découvert par un autre Américain, Larry Brent, parti faire du tourisme dans le sud de la France. Brent est agent du FBI et ne sait rien de la PSA mais, par déformation professionnelle et suite à des événements auxquels il ne s'attendait pas (Parker porte à une main une étrange chevalière et Brent se fait attaquer par une chauve-souris de deux mètres d'envergure), il mène son enquête parallèlement à la police locale. De fil en aiguille, il découvre que des chauves-souris mutantes sont téléguidées (par ultra-sons) pour prélever sur des victimes humaines du sang de groupe A. Qui mène ces expériences ? Pourquoi cette macabre collecte ? Pourquoi ce groupe sanguin en particulier ?

Ce roman de 1968 marque, dans le monde germanophone, les débuts d'une vague littéraire qui allait connaître de belles heures dans les années 70 et après. Ce mouvement ne s'est d'ailleurs pas franchement arrêté. Jusqu'alors, des éléments appartenant au registre de l'horreur n'apparaissaient pas dans les pulps allemands. C'est donc Dan Shocker qui ouvre le bal. Dan Shocker est un des nombreux noms de plume utilisés par Jürgen Grasmück (1940 †2007), écrivain spécialisé dans le fantastique et la science-fiction. Sous le même nom, il est également le créateur de la série Macabros (qui vit le jour en 1973), elle aussi très populaire et dont le titre dispense de toute précision quant au genre d'appartenance. En séries principales et à un rythme régulier, Shocker a écrit 125 Macabros et 192 Larry Brent.

Ce n'est pas mal mais c'est relativement peu, en définitive, par rapport à certaines séries-phares comme John Sinclair, Perry Rhodan ou Jerry Cotton qui en sont à plus de deux mille numéros chacune (avec cette fois, il est vrai, de véritables batteries d'écrivains derrière les noms de plume concernés). Si les Allemands avaient déjà une forte tradition de littérature populaire avant le Deuxième Conflit mondial (qu'on songe entre autres au personnage de l'Amérindien Winnetou créé par Karl May, auteur incontournable dans le domaine), la victoire américaine de 1945 n'a fait que décupler la tendance, avec encore plus d'intrigues américaines ou à l'américaine, présentées par des auteurs sous identités à consonances anglo-saxonnes. Je pense même que du point de vue quantitatif, ils ont dépassé les Yankees (pourtant initiateurs des pulps).

Das Grauen schleicht durch Bonnards Haus (« l'horreur rôde au manoir Bonnard ») marque ainsi un nouveau développement de cette littérature pondue au kilomètre et qui ne vise que le délassement du lecteur. Paru en 1968, donc, on y retrouve cet engouement pour les sigles et organisations fortement structurées agissant dans l'ombre. X-RAY 18, X-RAY 1 (le big boss de la PSA) ne tranchent pas sur la toile de fond constituée, à l'époque, par les OSS 117, 007, FX-18 et autres agents du S.H.I.E.L.D. ou de l'U.N.C.L.E. C'est kitsch si on veut mais ça fait partie du jeu ! Ramassée sur moins de deux cents pages (format immuable de la série), l'histoire est bien rythmée, les personnages sont suffisamment crédibles malgré le contrat d'intrigue hors-norme établi à l'achat entre l'auteur et le lecteur. Inutile d'en faire tout un plat mais retenons ceci : Grasmück/Shocker était un professionnel de l'écriture romanesque et il n'est point besoin d'aller chez des bouquinistes du fin fond de l'Allemagne pour se procurer ce volume (et les suivants) : les aventures de Larry Brent (tout comme celles de Macabros) sont rééditées en numérique par Maritim Verlag. Signe qu'elles plaisent toujours.

Une dernière chose : renseignement pris, Maurs existe réellement. C'est dans le Cantal.

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