Sandrine-Malika Charlemagne et les femmes

Dans cette Heroïc-Fantasy de  Sandrine-Malika Charlemagne, l’héroïne, Alètheia, ouvre la porte fermée  sur l’autre monde. Le merveilleux des enfants se mêle à de cruelles réalités. La mère du préfacier du livre n'y est pas pour rien. Durant la seconde guerre mondiale, elle était venue en Auvergne pour se protéger des bombardements parisiens. Le maquis luttait contre les Allemands  et il y eut des fusillades et des morts. En restent dans ce roman bien des traces dont la présence de Hannah Arendt et de Heidegger
La fiction se mélange à l'histoire. Et c'est parce que le monde extérieur état vide d’espoir que le monde intérieur était indispensable à l'époque tout comme aujourd'hui il nourrit l'imaginaire de Sandrine-Malika Charlemagne. D'où cette fiction où rôdent des fantômes qui ont réellement existé. 
Face à eux  les deux héros  Alètheia et L’Index deviennent  deux opposés. L’Index est de nature  étrange  : il peut être fils de Diable ou de Dieu. Alètheia, l’héroïne, est une morte-vivante à laquelle la chatte Sophos prête  ses yeux et sait comment passer  d’un monde à l’autre. Si bien que la belle métisse du dévoilement fait un pendant au monstre montreur. 
La quête intérieure de La Traqueuse  devient le miroir de la relation d’Arendt à Heidegger. D'où ce double jeu fait de symboles. Le bâton d’ivoire que l'héroïne tient  devient l'image phallique qui rappelle le  bâton à physique du Père Ubu.
Mais si l’Heroïc-Fantasy met souvent en valeur les valeurs viriles en exergue, les  femmes y étant des objets à conquérir, à protéger, dans celle-ci  elles ne sont pas que des auxiliaires ou faire-valoir. Elles dominent le monde en étant bien plus que des sorcières ou des magiciennes dont le pouvoir viendrait encore d'un Dieu mâle. Le mythe de  la puissance s'en trouve transformé. Le célébration  n'a donc rien de délétère et élimine les monstres masculins.
L’écrivaine l’a décidé sans malice. Ou l'inverse. Et en  créant ce roman, elle invente de la sorte  une Heroïc-Fantasy critique et féministe là où le monde le monde représenté n’est plus une pure chimère : il est tel qu'il  est en ce fabuleux récitatif. Existe donc une contribution originale à la grande histoire  de la cruauté comme à celle de la sagesse. La Traqueuse nous secoue pour que nous sortions de nos états hypnotiques. Elle devient ici conteuse et philosophe imperturbable.

Jean-Paul Gavard-Perret

Sandrine-Malika Charlemagne, La traqueuse, Éditions Velvet, 2023, 208 p.-,16,90 €

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