Frans Hals, la famille au Siècle d’or hollandais

Il faut regarder lentement, une à une, ces têtes aimables, gracieuses qui déjouent le temps, y revenir en détails et les comparer, pour mesurer jusqu’à quel point de perfection le génie de Frans Hals s’étend, à la fois immense et sensible. Des sourires sincères, des rires francs, des yeux qui pétillent, des joues qui s’arrondissent. Rien ne semble vain et feint chez ces enfants, il y a entre eux des complicités vraies, des affections partagées. Les parents respirent l’entente, les vertus qui sont de règle dans leur milieu social. Le peintre a un talent sans pareil pour faire se rencontrer les yeux, croiser les regards, s’agiter les mains, à des niveaux différents, comme si elles étaient des notes posées spontanément sur une partition de musique. Chacun vit à sa manière, chacun est soi ; ils sont tous unis dans un grand moment familial.

Ce talent réellement extraordinaire de Frans Hals (1582-1666) pour composer un tableau qui se déroule dans une logique propre sans rien perdre de sa liberté afin que le regard soit constamment sollicité, nous l’avons aussi dans ce magnifique tableau peint en 1616, le Banquet des officiers du corps des archers de Saint-Georges. Les écharpes rouges, les têtes qui s’inclinent selon la conversation, les gestes qui appuient la parole, douze visages pour autant de caractères psychologiques. Autour de la table à la nappe impeccable, c’est la joie, une espèce de fraternité d’armes, le service civique rendu à ce que symbolise la bannière peinte à l’oblique, un élément pictural qui hausse et entraîne ce moment convivial et en fait un spectacle. Frans Hals observe, retient, donne à chaque peinture sa dynamique.

 

La famille Van Campen nous offre donc tout cela, dans un autre registre, avec cette harmonie complète des existences que Frans Hals traduit en une harmonie absolue, dans un étourdissant jeu alterné de tons blancs et noirs. Il faut savoir, ainsi que le souligne Ger Luijten, le directeur de la Fondation Custodia, que le peintre attaque la toile « alla prima », pour ainsi dire sans esquisse préparatoire puisque on ne connaît pas de dessins du maître. Frans Hals est seulement poussé par son idée, guidé par son savoir et surtout inspiré par son génie. Nous voyons enfin le tableau est entier. Pour cette exposition, voilà réunies les trois parties, longtemps dispersées après un morcèlement au XIXème siècle, de ce monument de la peinture.
La lecture du catalogue qui accompagne cette brillante exposition est passionnante. L’histoire des portraits prend une ampleur inattendue et une densité singulière.

 

Devant les yeux, le visiteur a près de quatre mètres de scène bourgeoise, telle qu’elle  peut être à Haarlem. La Hollande est alors prospère et commerce avec l’univers. Le commerce des draps de laine est une source de revenus pour cet homme assis à gauche, fier de sa nombreuse famille, Gijsbert Claesz van Campen. L’œuvre est présentée en compagnie de trois autres portraits de famille du même auteur. L’éblouissement devant ces chefs d’œuvre demeure égale, il ne faiblit pas, la touche de Frans Hals est unique, ses compositions forcent toujours l’admiration.

A côté de ces tableaux, sortis des « précieux albums de Frits Lugt », le créateur de la Fondation »,  une sélection d’environ quarante dessins où entre autres figures, les enfants se manifestent en tant que sujet en soi, « sages ou drôles, innocents, insupportables et bruyants », qu’ils soient vus par Hendrick Goltzius, Cornelis de Vos ou Rembrandt. Beaucoup de ces feuilles inestimables sont présentées dans des cadres d’époque, ce qui ajoute encore à leur intérêt.

 

 

 

 

La visite de cette superbe exposition doit se poursuivre avec ce qui constitue sans aucun doute pour un large public une véritable surprise, une totale découverte, l’œuvre de Marian Plug. De tableau en aquarelle, la lumière se fait architecte, les alliances de couleurs sont parfois légères, parfois profondes, quelques vues oniriques évoquent Odilon Redon, les vibrations de formes créent une sorte de musique et de poésie pour l’œil, ce qui l’« entraîne vers de tout autres rêveries » selon les mots de Rudi Fuchs.

 

Dominique Vergnon

 

Lawrence W. Nichols, Liesbeth De Belie et Pieter Biesboer, Les Portraits de Frans Hals. Une réunion de famille,75 illustrations, 257 × 217, Fonds Mercator, mai 2019, 112 p., 29,95 €

Gijsbert van der Wal, Marian Plug. Peintures et œuvres sur papier, 70 illustrations, 255 × 190, Fondation Custodia, mai 2019, 119 p., 25,00 €.

www.fondationcustodia.fr; jusqu’au 25 août 2019

 

 

 

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