Jean-Luc Nancy : Lacangourou

Lorsque la philosophie de ne suffit plus à elle-même la littérature lui sert d’emplâtre. Mais elle possède le met effet que ceux appliqués sur une jambe de bois. Toutefois qu’à cela ne tienne. Et on voit même les philosophes en mal de sens de prendre pour des poètes. Jean-Luc Nancy fut de ceux là. L’intellectuel aux prédicats reluisants crut faire briller la poésie comme le prouve certains textes de la somme réunie sous le titre de Demande  par Ginette Michaud. L’attentive curatrice ne peut que mettre en évidence un des maux de l’entreprise de Nancy : en croyant battre la crème de la pensée et de la langue l'uteur n’a fait que battre son bol.
L’auteur adulé a souvent politisé l’érudition philosophique en feignant par des contorsions sémantiques une mise en abîme de concepts. Ils furent le plus souvent mis en faconde ou sous le boisseau de manière douteuse. Fidèle à Lacan et ses witz (mots d’esprits hérités de glissements de vocables) Nancy les a réduits à une figure de style qui masque l’inconscient qu’il pensait appâter selon la doxa de Lacan selon laquelle la solution est la dissolution.  
Chef de la discursivité de l’école de Strasbourg et  croyant parachever les découvertes de la psychanalyse, Nancy a fait pousser des fleurs la tête en bas. Elles ne  permettent que de manger les pissenlits par la racine avant d’être mort. La déstructuration  - devenue le rite de grands esprits à la mode dont il faudrait  encore saluer le culte -  a limité le Verbe à un jeu dont l’efficacité philosophique ne peut suffire à renverser le logos au profit d’une prétendue percée de l’inconscient. Le witz est devenu l’aphorisme du riche mais ne vaut pas plus que lui. Il  a du mal à faire clignoter dans les cases du cerveau des lumières intempestives.
De fait la pensée de Nancy est verbeuse jusque  dans sa  pseudo chute protocolaire. Elle n’est qu’un moyen de canaliser l’imaginaire là où  Psyché serait étendue  à l’ombre d’un noyer qu’Eros contemple sans qu’il le sache… Tout cela reste de l’ordre d’une posture voire une imposture. Celui qui prétendit faire claquer la langue  comme le drapeau noir de pirates reste à la relecture de Demande  un prophète à minima dont le verbe aux rondeurs hypertrophiées donne plus qu’une vague idée de l’hybris qu’il caressa. Beaucoup en furent enivrés. 

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Luc Nancy, Demande, Galilée, avril 2015, 400 p.-, 35€

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