Germania, ode à l'Allemagne romantique - entretien avec Joël Schmidt

Dans son dernier roman, Germania, sans doute le plus personnel et le plus ambitieux, Joël Schmidt, historien, romancier et critique littéraire, livre une ode à l'Allemagne romantique, intellectuelle et musicienne. A travers ses personnages, il tente de réhabiliter ce pays au passé grandiose avant la barbarie des années trente.

Karoline et Jean, elle allemande, lui français, tous deux, universitaires, traversent les épreuves de la guerre avec leur fils Gunther qui, fasciné par la patrie de sa mère, tentera de créer plus tard dans le château familial du Lot, une mini Allemagne, Germania. Malheureusement, sa femme et lui échoueront dans ce projet, tant le souvenir des exactions nazies sont encore proches.

A chaque page, Joël Schmidt fait l'éloge de la patrie de Kleist et de Wagner, de Schumann, de Schubert. Dans ce livre qui eut peut-être mérité une centaine de pages de plus, le romancier oppose l'Allemagne immémoriale et la fureur barbare qui s'est emparée d'elle et lui nuit toujours, soixante dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Il évoque la dichotomie qui hante Gunther et Paula, son épouse entre Allemagne immémoriale, « celle qui n’a pas encore été pourrie par l’hitlérisme » et celle des nazis, dans ce rêve inouï de recréer un phalanstère allemand dans le Lot.


B. Quand vous étiez enfant durant la guerre, avez-vous, à l’instar de Gunther considéré celle-ci comme un jeu grandeur nature ?


J.S.

Non, jamais. J’avais au contraire, une peur bleue des bombardements, je souffrais du froid, les allemands occupaient le Sénat en face de chez moi. Quand je prenais le train une fois par an pour aller voir mes grands parents en Corrèze, j’étais terrifié à l’idée que celui-ci saute, craignant le sabotage de la Résistance Rail. Ce jeu qui est tout à fait plausible chez un enfant, et sans doute la partie la plus originale de mon livre, je l’ai complètement imaginé. En revanche, j’ai bien vu la division SS Das Reich passer en dessous du château sur la nationale reliant Figeac. J’ai eu très peur.


B. Comment vivez-vous le fait que la réhabilitation de L’Allemagne si longtemps après la guerre ne soit pas complète ?


J.S.

Je vis  très mal le rejet de l’Allemagne qui malgré les cérémonies du centenaire de la guerre de 14 est toujours un pays non grata dans le fond de l’inconscient collectif français. Jai tenté il y a quelques années de proposer Un  Dictionnaire amoureux de l’Allemagne pour la collection Dictionnaire amoureux, impossible, c’est comme si j’avais été blasphématoire. Bien entendu j’aurais parlé dans le livre des crimes nazis et autres, mais non. Peut être aujourd’hui si je recommençais cette demande, cela serait-il agrée. Mais je constate que ce livre ne paraît pas, même sous une autre plume…


B. Votre intérêt pour ce pays est-il purement intellectuel ou avez-vous des origines situées Outre-Rhin ?


J.S.

Une partie lointaine de ma famille est d’origine allemande. Mon trisaïeul, Tobie Schmidt né à Mayence en 1804, et mort en 1899, avait vécu à Wesel où il était drapier. Il a laissé des Mémoires que j’ai en partie publié dans un livre un peu romancé, il y a quelques années chez Pierre Guillaume de Roux, il raconte l’occupation de Mayence par les Français. Pour l’anecdote, il avait même vu passer Napoléon !

De plus, ayant un père et une mère français, mais s’étant rencontrés en Allemagne de Weimar chez un grand romaniste, mes parents parlant couramment l’Allemand, je ne pouvais pas échapper à ces racines.. Mon père s’intéressait de près à la littérature allemande et avait participé à un livre collectif sur le romantisme allemand. Mes lectures, les contes de Grimm que tout enfant, mon grand père me lisait en allemand, et le fils de Wagner, rencontré en 1949 à Triebschen sur le lac des quatre Cantons où le compositeur vivait, comme dans mon roman m’ont influencé.

Il y eut aussi les lieder de Schumann, de Schubert que je ne manquais pas au théâtre des Champs Elysée, notamment avec la merveilleuse Irmgard Seefried, trop tôt disparue. Puis tous les Rings, que j’ai découvert en écoutant les retransmissions de Bayreuth en 1952


B. Avez-vous dans votre jeunesse imaginé bâtir une Germania, comme votre héros ?


J.S Non, je n’ai jamais pensé à créer une Germania, mon roman est certes enraciné dans l’autobiographie mais il reste aux trois quart d’invention et d’imagination.



Propos recueillis par Brigit Bontour


Joël Schmidt, Germania, Albin Michel, juin 2016, 208 pages, 15 eur

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