Martyres de Lyon

Du massacre des chrétiens de Lyon de 177, le grand public ne retient que le nom de Sainte Blandine qui résista avec un courage inouï à ses tortionnaires et n'abjura pas sa foi. Quant aux tenants et aboutissants de cette persécution, ils demeurent assez  obscurs pour qui n'est pas historien. 

Il faut l'érudition et le talent hors normes de Joël Schmidt pour en retracer les origines, le déroulement et surtout dresser le portrait du principal responsable, Marc Aurèle. Il démontre avec brio comment cet homme ouvert,  dont les qualités furent louées par Renan et  Montesquieu a pu en arriver à de telles exactions.

Comme un enquêteur, il scrute l'enfance et la jeunesse de l'empereur. Remarqué par Hadrien à la recherche d'un successeur, il est membre à huit ans du collège des Saliens, prêtres dévoués au culte de Mars. A quinze ans, il est nommé préfet de Rome. Quand il monte sur le trône en 161, il a une excellente pratique des affaires de l'Etat en dépit d'une santé fragile. Mais les problèmes arrivent vite : les menaces des Barbares, des Parthes,  ajoutées à la famine, la  peste ou les inondations auront vite raison de la sagesse de l'empereur philosophe, féru de philosophie grecque stoïcienne et épicurienne.
Inquiet du prosélytisme des Chrétiens, encore peu présents en Gaule mais qui  arrivant d’Orient commencent à essaimer à Lyon, alors capitale des Gaules, il va leur faire subir des persécutions aussi terribles que celles infligées par Néron en 64.


L'auteur retrace les contradictions de Marc Aurèle, un homme épuisé et malade, contraint de donner des gages de sa piété païenne. Il décrit les tourments des  martyrs à travers la lettre aux chrétiens d'Orient d'Eusèbe de Césarée, notamment ceux de Blandine, « suspendue à un poteau et exposée en pâture aux bêtes qui se jetaient sur elle, galvanisant par son courage les autres combattants ».

Martyrs de Lyon 
se révèle être une mine d'informations quand l’historien  pose la question des antagonismes entre paganisme et christianisme, de la propagande numismatique païenne ou de la composition sociologique des  Lyonnais chrétiens. Passionnant de bout en bout, magnifiquement écrit par Joël Schmidt, auteur de nombreux romans,  d’ouvrages sur l’antiquité,  il éclaire d’un jour nouveau, ce massacre considéré comme une aberration du règne du plus sage et du plus cultivé des chefs d’Etat que s’est donnée Rome.

 

Brigit Bontour


Joël Schmidt, Martyrs de Lyon, éditions Salvator, février 2019,  288 p.-, 21 euros

 

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