Les Écrits sur l’art de Rilke

Un inédit sur Rilke ? Qui plus est porte sur l’art ? On salive d’appétit tant l’importance du propos et la justesse de l’analyse seront certainement au rendez-vous car l’on connaît désormais la qualité du regard que porte un poète sur une œuvre plastique. Alors que l’auteur des Élégies de Duino nous invite à quelques réflexions sur la peinture italienne ou l’œuvre de Cézanne à travers une vingtaine d’études est un événement. Or, ça pique assez vite tant l’éditeur a réussi à imprimer son opus dans des caractères plus petits que ceux de la Pléiade, et surtout nettement moins contrastés, ce qui impose une lecture en plein soleil ou sous une lampe à fort rayonnement, et le papier blanc (un crème aurait apaisé la cornée) achevant l’œil qui pleure assez vite. Dommage.
Difficile d’écrire sur les arts sans juger, disait Rilke, qui voulait tenter de demeurer juste, c’est-à-dire retrouver en chaque œuvre l’étrange fascination qui en ressort… comme de vastes paysages solitaires aux ciels en hautes voûtes, comme de grands arbres sombres
Rilke, finalement, était bien plus mêlé au milieu artistique qu’on ne le pense : c’est lui qui invita Rodin à s’installer à l’hôtel Biron – depuis musée Rodin – qu’il découvrit en 1908. C’est aussi Rodin, rencontré en 1902 à la villa des Brillants, sur la colline de Meudon, qui influença sur son écriture et sa création poétique. Il faut dire qu’il a commencé très jeune, à vingt-trois ans, à écrire ses réflexions à propos de l’art de ses contemporains directs, ceux-là mêmes, hommes et femmes – il épousa la sculptrice Clara Westhoff, du groupe Worpswede – qu’il pouvait visiter dans leurs ateliers ou pour certains les retrouver sur le motif, pour ceux qui travaillaient en plein air.
La présente édition propose trois séries de textes plus importants que les autres parce que plus aboutis ; deux ayant fait l’objet d’une écriture soutenue dans ce sens : l’essai Worpswede portant sur les artistes de cette communauté et celui sur Rodin. Les autres textes jalonnant son parcours temporel durant sa formation poétique témoignent cependant d’un impératif spirituel à faire connaître ses émotions à ses amis et proches.
Avec en point d’orgue sa découverte de Cézanne dont il affirmera dans ses réflexions épistolaires qu’il y avait bien là, à l’origine, une qualité exceptionnelle de peinture : il ne parlait alors que d’un fou d’absolu, connu comme un original, mais nullement reconnu et placé au panthéon des arts.

François Xavier

Rainer Maria Rilke, Écrits sur l’art, traductions de l’allemand de Maurice Betz et Bernard Lortholary, préface d’Henri-Alexis Baatsch, L’Atelier contemporain, octobre 2023, 448 p.-, 12,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.