Alfred Sisley : catalogue critique

Tout aussi extraordinaire que le dernier catalogue raisonné de Nicolas de Staël, à croire que seuls les Suisses sont désormais en capacité de produire ces livres-là – à l’ancienne, devrait-on dire – avec une telle qualité de fabrication, une majorité d’illustrations couleur d’un rendu exceptionnel et une maquette remarquablement bien pensée ; bref, un ouvrage de collection à conserver pour les longues soirées d’hiver devant le feu de cheminée. La peinture musicale et colorée d'Alfred Sisley s’activant à réchauffer nos cœurs peinés et nos âmes meurtries sous le gris du ciel et les mauvaises nouvelles… 

Et même si l’été arrive et les libertés fondamentales recouvrent en partie leur place, rien ne vaudra les heures passées dans la contemplation de ces chefs-d’œuvre impressionnistes. 1959 vit paraître le premier catalogue raisonné de l’œuvre peint, sous l’influence de l’historien d’art François Daulte, avec le concours de Charles Durand-Ruel ; et il faudra attendre soixante ans pour que voit le jour le présent ouvrage, sous la forme d’une édition renouvelée, autant par sa mise à jour qu’amplifiée d’un nombre important d’œuvres retenues (1012 tableaux) ; ainsi que, pour la première fois, les 71 pastels.

Une œuvre presqu’entièrement tournée vers la nature (mis à part quelques rares portraits) et le paysage : paysagiste, c’est d’ailleurs ainsi que Sisley se définissait en 18 avril 1883, quand il résidait à Moret. Se montrant sensible à l’écoulement des saisons, Sisley aimait à traduire le printemps avec les vergers en fleurs, mais ce sera la campagne hivernale et enneigée qui l’attirera tout particulièrement. Il faut dire que le tempérament réservé du peintre l’orientait plus facilement vers le mystère et le silence plutôt que l’éclat des paysages ensoleillés de Renoir. Un attrait pour la neige qu’il partageait avec Monet… Mallarmé ne s’y trompa guère, quand il annonçait dès 1876 que Sisley fixe les moments fugitifs de la journée, observe un nuage qui passe et semble le peindre en son vol
 

Et une fois fondue, la neige devenue eau captivait aussi Sisley – tout comme Monet – laissant à Pissarro et Cézanne s’inspirer de la terre… Peintre du plein air, le plus Français des peintres anglais, conserva sa voie sans s’inquiéter des critiques voire des piques de ses pairs, établi dans l’amitié avec Monet, et l’harmonie que lui procure son travail à la gloire de l’Ile-de-France.
Ses séries des petites villes échelonnées sur les bords de Seine sont sans pareil, au point qu’il choisit Moret-sur-Loing pour s’ancrer définitivement en France. Quelques aller-retour pour surprendre les brouillards londoniens, témoigner des régates de Hampton Court ou saluer les falaises de Langland le verront toujours revenir dans sa maison chérie ; chéries ces rives du Loing et de la Seine qu’il arpentait sans fatigue et croquait en pastels ou peintures à chaque fois réinventées dans un témoignage d’amour infini…

 

François Xavier 

 

Sylvie Brame & François Lorenceau (sous la direction de), Alfred Sisley – Catalogue critique des peintures et des pastels, introduction de Sylvie Patin, 1100 illustrations, 250 x 320, La Bibliothèque des arts, mai 2021, 560 p.-, 150 € 

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