Avis de recherche : les disparus du Larousse

Je viens de recevoir d’une amie un petit florilège de mots – récemment ? – disparus du Larousse paru dans Le Point. Ce qui m’inspire ces quelques lignes.

En la matière – si je puis écrire –, on n’arrête visiblement pas le progrès ! Heureusement que la langue française ne se laisse pas enfermer ni ainsi si facilement aseptiser par des ouvrages officiels, s'agirait-il de l’illustre et bien sûr non moins fort utile Larousse !

C’est que, plume à la main, des écrivains à l’œuvre chaque jour en perpétuent, in situ et sur le vif, la richesse de vocabulaire, et les meilleurs d’entre eux en vivifient même la sève via l’originalité de leur style d’où les dogmes du soi-disant bien écrire sont résolument exclus : Delteil, par exemple, pour n’en citer qu’un d'entre ceux du peloton de tête !
Sans parler du langage populaire qui - depuis toujours très inventif -, plus qu’un réservoir, est un vivier à ciel ouvert ! Plein de microbes donc, décrèteront certains du haut de leur chaire...

Je me souviens avoir employé, impromptu, un mot du patois bourguignon en présence du poète Lucienne Desnoues : Le chien happait sa soupe à pleines gueulerées lui fit illico dresser l’oreille – pas au chien, à Lucienne ! – et me dire que ce mot gueulerées – sans doute parce qu’issu comme elle du milieu campagnard – plus que lui plaire, lui parlait, la touchait jusqu’en sa sensibilité d’écrivain, de poète, m’assurant sur-le-champ qu’elle le mettrait désormais très volontiers en usage à la moindre prochaine occasion.

Un autre de mes amis, Claude-Henri Rocquet, avait été scandalisé quand l’éditeur de sa  Visite d'un jeune libertin à Blaise Pascal  lui avait demandé de changer plusieurs mots dans son texte - je me souviens, entre autres, mémorable, de celui d’escarboucle - au motif que les jeunes lecteurs d'aujourd'hui auxquels ce dialogue était destiné ne les connaîtraient point… Ce à quoi il se refusa avec véhémence, arguant avec raison et bon sens qu’ils n’auront, en toute logique, qu’à en rechercher et en trouver la signification auprès de leurs parents, leur professeur, ou bien au fond d’un dictionnaire !
Et par là même s’enrichir !

Pourquoi décider de supprimer un mot – de plus, par décret académique ou autre, ce qui est un comble – sous prétexte qu’il est de moins en moins employé parce que passé de mode ?
De quoi se mêle-t-on quand on tripatouille et tranche ainsi d’autorité dans une langue vivante, donc par elle-même en perpétuelle arborescence ? Entre nous, pourquoi un mot ne serait-il pas capable de justement s'éteindre un jour de lui-même si c’est vraiment là son sort tout tracé ?
Tout comme parfois de renaître de ses cendres, car cela est aussi déjà arrivé !

Je vous le demande : de quel droit – divin ? – tout ce capricieux bricolage d'apprentis sorciers, écriture inclusive comprise ?
Écrivons, parlons, usons pour cela de tous les mots possibles afin qu’ils restent vivants et efficaces, encore et toujours tous, chacun selon sa propre durée de vie naturelle, à notre entière disposition !

Et je clos là sans façon mon épistole en forme de billet d'humeur.

André Lombard

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