Luc Dietrich : la flamme vive du souvenir
À ce jeune ami peintre autodidacte (et, à l'époque, encore rude ouvrier carrier maniant aussi bien la masse de plus de cinq kilos que la barre à mine et les bâtons de dynamite dans son travail en équipe au sein de l'entreprise paternelle), Luc Dietrich ne parla certainement pas, en effet, le même langage philosophico-hermétique alors passablement en usage, pour ne pas dire en vogue avant-guerre dans les milieux dits d'avant-garde intellectuelle ; s'ouvrant et s'ajustant plutôt, j'imagine, à la personnalité et à la sensibilité, en un mot à la nature de ce tout autre interlocuteur puisque, en retour, Serge garda de lui un souvenir ému, évoquant toujours très volontiers leurs fructueux échanges et fraternels partages. Ceux-ci ayant le plus souvent eu lieu seul à seul, en plein air, au cours de grandes et salutaires promenades en forêt, force chansons populaires piémontaises, ou encore françaises, à l'appui. Loin de tout cercle d'influence.
Ce dont plusieurs lettres de Serge à ses proches témoignent toujours avec enthousiasme depuis le jour de leur première rencontre en Haute-Savoie via le pharmacien Louis Lief, un ami commun du Plateau d'Assy, là même où, depuis Taninges, le jeune artiste peintre rendra souvent visite au jeune écrivain débutant alors en cure au sanatorium d'altitude.
Après le décès tragique de Luc, à 31 ans à peine, conseillant fréquemment la lecture de ses principaux livres, Serge l'évoqua encore oralement à la moindre occasion auprès de plusieurs personnes de son entourage immédiat ou autres visiteurs, habituels ou pas, de son atelier, perpétuant ainsi autour de lui, vivace et chaleureuse, la flamme vive du souvenir de Luc.
Ce à quoi, pour toute réponse et en toute honnêteté, Serge affirmait avoir cette fois-là fermement observé et gardé tout un temps le silence avant que de reprendre et de poursuivre au-delà leur amicale conversation hélas bientôt irrégulière et uniquement téléphonique à cause de la guerre.
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