"Le rabaissement", à bout de souffle

La sénescence d’une star des planches


Simon Axler monte sur les planches depuis plus de quarante ans. Il a joué Shakespeare, Brecht, Tchekhov, tout le répertoire. Il est acteur jusque dans ses tripes, et quand il atteint le point où il ne se sent plus capable de tenir un rôle, c’est toute sa vie qui s’effondre. Abandonnant son métier, il se réfugie dans le mutisme et  décroche. Bien sûr, sa femme finit par le quitter. Obsédé par le suicide, il entre en hôpital psychiatrique, tente de se reconstruire. Son agent vient le voir, lui propose de prendre un rôle sous la direction d’un metteur en scène susceptible de l’aider : Axler refuse. Débarque dans sa vie Pegeen Mike, fille d’un couple d’amis acteurs. Lesbienne, paumée après que sa compagne a décidé de changer de sexe, elle est aussi à la dérive qu’Axler. Les deux entament alors une liaison aussi improbable que passionnée. Axler va-t-il reprendre goût à la vie ? Se remettre à jouer ?


Désespoir et dégoût de soi


Philip Roth s’attaque dans ce livre au thème de l’acteur vieillissant. Il le fait avec talent, scrute au scalpel l’âme d’Axler. Ce dernier, le lecteur ne sait pas trop quoi en penser. Acteur, l’homme paraît plutôt falot au fur et à mesure qu’on avance dans ce court roman. Jouer a dû lui permettre de fuir le vide, un vide qui l’habite depuis longtemps. De cette histoire empreinte de désespoir (le critique ne cachera pas que ça se termine mal pour Axler ; pour les détails par contre, lisez), on retient un diagnostic précis du dégoût de soi qu’un homme de soixante ans et plus peut ressentir. Philip Roth est connu pour mettre beaucoup de lui dans ses romans. Alors, Le rabaissement tient-il de l’autobiographie à peine déguisée ? Il vient en tout cas d’annoncer qu’il arrêtait d’écrire, par peur sans doute du coup de trop, à l’inverse de Simon Axler qui n’a pas vu venir le moment de s’arrêter… En tout cas, on est frappé du désespoir qui émane de la fin… A lire en écoutant A kind of blue de Miles Davis.

 

Sylvain Bonnet


Philip Roth, Le rabaissement, traduit de l’anglais (US) par Marie-Claire Pasquier, éditions Gallimard, Folio, janvier 2013, 160 pages 5,95€

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