Les ombres d’Euzkadi de Jean Weber planent sur le fantasme d’autodétermination des peuples

Par un joli coup du sort paraît cet étonnant polar qui évoque les cendres d’ETA quand la Catalogne flambe sous les fantasmes d’une indépendance décriée par Madrid et souhaitée par une partie de la population. Les temps semblent à l’émancipation, et depuis la chimère palestinienne qui hurle dans le silence hypocrite du monde sa volonté de reconnaissance et d’autodétermination depuis plus de soixante ans (sic), voilà que les peuples européens, lassés du joug des bureaucrates de Bruxelles, se lancent dans des bravades nationalistes (Pays-Bas, Angleterre, Autriche, Pologne, Hongrie) ou régionales (Lombardie, Vénétie, Catalogne) avec le succès que l’on connaît…

Le pays basque, en son temps, connu lui aussi ses années noires, dans la décennie  1980 qui ensanglantèrent la région des deux côtés de la frontière. Pour y répondre, le GAL – digne successeur du SAC – opérait dans l’ombre des éliminations discrètes. Jusqu’au jour où l’un des anciens hommes de main, Jean-Jacques Brunoy, par le jeu d’un riche mariage et d’une promotion spectaculaire, se retrouvent à la tête d’une agence de lobbying, RUN, qui n’est pas sans nous rappeler RSCG qui ne faisait pas que nous polluer l’espace urbain et la TV avec ses pubs débiles…

Or, le sulfureux PDG semble être en proie à une crise de nerfs, voire une dépression de premier ordre, ce qui nuit à l’avenir de l’agence et donc affole les actionnaires – dont une banque d’affaires – et par effet de ricochet l’Etat qui use et abuse de RUN pour influencer les pays quand sa diplomatie officielle fait défaut.

Pour démêler le vrai du faux, le bras droit du boss fait appel à un ami d’enfance, un journaliste qui travaille à l’ancienne, fin limier et hors circuit donc l’idéal pour passer sous le radar. S’en suivra une enquête émaillée de chausse-trappes et de coups tordus, comme tout polar politique qui joue des miroirs sans tain pour nous peindre notre belle société bourgeoise et dominatrice. Le rappel des causes réelles de la mort du ministre Boulin, en 1979 (commandité par Jacques Chirac, "le grand veut ma peau" ?), dans un documentaire récemment diffusé par France2 confirme cela. Argent et politique dansent sur la tête des peuples depuis des siècles, et tout le reste n’est que… littérature.

Justement, Jean Weber qui a fureté ici et là à L’Humanité ou aux Dossiers du Canard enchaîné sait de quoi il en retourne. D’une plume enlevée, entre de jolis croquis des splendeurs de la région basque et un humour décalé (la scène du petit-déjeuner à l'Élysée durant lequel François Hollande s'empiffre de viennoiseries est un délice !), il trace une histoire à multiples sens, de la désinformation calculée au jeu d’échec des puissants que rien n’arrête, même pas le meurtre commandité.

 

François Xavier

 

Jean Weber, Les Ombres d’Euzkadi, Lemieux éditeur, septembre 2017, 224 p. – 18€

 

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