Stephan Levy-Kuentz : La révolution Pierre Clementi
Stephan Levy-Kuentz est surtout connu pour ses films dont les morceaux du réel n’appellent pas - comme c’est souvent le cas - le démenti de celui-là. Documentariste précieux et précis il est aussi écrivain rare et parcimonieux. Son « Tombeau pour Pierre Clementi » loin d’une logique funeste se veut un insert et philtre entre le spectateur et les films où l’acteur apparaît. Il prouve combien ce dernier peut passer du statut de fétiche à celui d’une preuve qui avec le temps prend valeur d’archive poétique. Quand un film est habité par un acteur de cette envergure le film n’est plus écran à la vérité mais écran de vérité.
Plus qu’un ouvrage biographique (on sait ce que le genre vaut) ce texte balaye le travail de Clémenti dans une approche tout sauf désappropriante. Son effet retour donne l’impression d’assister par procuration à notre propre absence. Preuve que Clémenti sut instinctivement créer des personnages gnoséologiques. Sans usurper la place de témoin il donne à l’image une lisibilité où le familier s’altère et prend l’apparence de ce qu’on ne lui avait jamais connu. Rares sont les acteurs capables de cet exploit. Clémenti fut capable de créer une image commune, collective d’une intimité pure, presque muette et jusqu’à lui infigurée. Et peut-être demeurée vacante et infigurable sans sa présence et son jeu.
Jean-Paul Gavard-Perret
Stephan Levy-Kuentz, Tombeau pour Pierre Clementi, Derrière la Salle de bains éditions, Rouen, 10 €
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